Le 8 mai 2022


- Scénariste : Sergio Gerasi>
- Dessinateur : Sergio Gerasi
- Genre : Chronique sociale
- Editeur : Ankama
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 15 avril 2022
À travers Aïda, Sergio Gerasi dresse le portrait d’une génération entre enfermement numérique et activisme.
Résumé : Milanaise et fille de bonne famille, Aïda suit des cours d’arts et aime photographier le monde qui l’entoure. Mais la jeune femme est mal dans sa peau : son père est parti il y a longtemps et sa mère, présentatrice à la télévision, souffre d’alcoolisme et a beaucoup de mal à comprendre sa fille. Alors qu’elle en recherche de relations sociales, Aïda ne peut guère compter sur ses amis, Tancrède et Ludo, accro aux numériques et assez superficiels. Jusqu’au jour où elle croise par hasard The Virus, des activistes marginaux qui réalisent des happening à Milan pour interroger notre rapport au capitalisme et au numérique. Aïda rejoint cette bande, mais son mal-être ne disparaît pas pour autant.
Sergio Gerasi emprunte à Verdi le nom de son héroïne – qui est aussi le nom de sa fille – pour construire une intrigue qui interroge le rapport au monde de la jeunesse italienne contemporaine et son mal-être. On sait que la jeunesse italienne a beaucoup souffert de la crise économique et Zerocalcare, autre artiste transalpin, en parle avec beaucoup de justesse. Sergio Gerasi confronte ici deux mondes sociaux qui n’étaient pas destinés à se rencontre : une jeune femme bourgeoise, perdue et en manque de liens humains, et les activistes marginaux de The Virus. La joie de vivre des membres de The Virus donne à Aïda, qui s’intègre progressivement au groupe, un nouvel objectif.
- Sergio Gerasi – Ankama pour la trad. française
Sergio Gerasi privilégie volontiers la poésie au réalisme. Les membres de The Virus sautent d’un bâtiment à l’autre sans difficulté et financent sans problèmes des opérations d’une grande complexité. Certaines cases, comme l’oiseau mort en voie de décomposition, ont valeur d’allégorie pour l’artiste, tout comme la capacité d’Aïda à transformer mentalement certains de ses interlocuteurs en personnages animaliers. De façon générale, les trouvailles graphiques sont pertinentes pour mettre en mouvement le récit et transmettre des informations au lecteur. La mise en couleur, très réussie avec des teintes rosés et bleutées, rehausse le trait de l’artiste.
Il n’en reste pas moins que la lecture d’Aïda laisse un sentiment mitigé. Le mal-être persistant et croissant de l’héroïne trouble le lecteur : Aïda n’a-t-elle finalement rien trouvé capable de satisfaire son désire de rencontres ? En dehors de l’absence du père, on saisit assez mal les motifs des tourments de l’héroïne, ce qui ne facilite pas l’identification. Sergio Gerasi brouille également son intrigue (et son message) en suivant plusieurs pistes, puisqu’il est à la fois question de la recherche d’absolu d’une génération contestataire incarnée par The Virus, la mise en évidence d’un rapport malsain au numérique et la complexité d’une relation mère/fille. C’est dommage, car Aïda regorge de bonnes idées.
176 pages – 18,90 €