Cette sacrée vérité
Le 29 janvier 2019
Sans emphase, Jérôme Bonnell caresse une nouvelle fois avec justesse la beauté d’une histoire d’amour. Un coup d’éclat qui vaut aussi pour la sensualité maladroite de ses acteurs.
- Réalisateur : Jérôme Bonnell
- Acteurs : Anaïs Demoustier, Félix Moati, Patrick d’Assumçao, Olivier Broche, Sophie Verbeeck
- Genre : Comédie dramatique, Comédie romantique
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 1h26mn
- Box-office : 107 269 entrées France / 66 999 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 25 mars 2015
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L’argument : Charlotte et Micha sont jeunes et amoureux. Ils viennent de s’acheter une maison près de Lille pour y filer le parfait amour. Mais depuis quelques mois, Charlotte trompe Micha avec Mélodie… Sans rien soupçonner, se sentant toutefois un peu délaissé, Micha trompe Charlotte à son tour… mais avec Mélodie aussi ! Pour Mélodie, c’est le vertige. Complice du secret de chacun. Amoureuse des deux en même temps…
Notre avis : Il y a quelque chose de François Truffaut chez Jérôme Bonnell. Et quelque part, À trois on y va sonne comme un pendant ultra contemporain de Jules et Jim. À la différence que le trio compte cette fois deux filles pour un garçon, et que le drame premier degré laisse place à la comédie. Sans doute faudrait-il alors rapprocher À trois on y va de Sérénade à trois. Peut-être, mais les marivaudages des uns et des autres renvoient quant à eux à Rohmer. Il convient donc d’évacuer un temps les influences évidentes de ce long métrage pour se concentrer sur autre chose. Car une chose, au moins, est sûre ici : on cache, on dissimule dans À trois on y va. Et puisqu’il est question de mensonge, les plans morcellent les corps, fragmentent les espaces. Le cadrage en gros plan y est tel que tout semble enserré, trop exigu pour donner à voir les choses dans leur ensemble. La mise en scène ne cesse ainsi de le clamer à tue-tête : la vérité est ailleurs. Dans la scène d’ouverture, lorsque Mélodie – malicieuse Anaïs Demoustier – vient sonner chez son amante Charlotte pensant la trouver seule sans Micha, celle-ci se retrouve malgré elle invitée à manger avec le couple. La construction de l’espace est alors singulière : mal exposée, la bâtisse lilloise ne laisse que faiblement filtrer la lumière, rendant les choses difficiles à distinguer précisément. De telle sorte que l’étrangeté de la spatialisation fait écho au trouble ambiant. La scène classique : Mélodie et Charlotte feignent le naturel au cours du dîner, tandis que Micha ne voit rien venir. Et c’est recroquevillées dans un coin de la cuisine que les deux jeunes femmes profitent de son absence pour échanger un baiser fugace. Ce surgissement cathartique du réel en marge des boniments va faire office de guideline tout au long d’À trois on y va. Jusqu’à ce que la mise en scène déjoue l’imposture de chacun. Comme souvent chez Jérôme Bonnell, l’idée est une nouvelle fois de tirer le portrait de personnages à côté d’eux-mêmes.
© 2015 Wild Bunch. Tous droits réservés.
Ainsi, c’est en élargissant progressivement le cadrage des plans que le réalisateur laisse petit à petit advenir la réalité. Mais cette réalité, contrairement à ce que s’imaginent les trois amoureux, n’est pas si évidente. Outre la dualité du sentiment amoureux chez Mélodie, outre la perception parcellaire qu’ont Charlotte et Micha de leur moitié, c’est une reconfiguration du réel et de leurs certitudes qui les attend. Car dans À trois on y va, chacun ne détient qu’une pièce du puzzle – même Mélodie. La libération de chacun ne tient donc qu’à la sincérité des deux autres. Pour filmer ce joli chassé-croisé, Jérôme Bonnell articule comédie burlesque et mélodrame avec subtilité. Aux acrobaties sentimentales de Mélodie, prise entre deux eaux, répondent la stase mélancolique de Charlotte et l’apparente naïveté de Micha, grand romantique qui s’ignore. Tout ça pourrait sembler suranné et convenu. Mais cette histoire d’amour sans chichi parvient pourtant à réaliser avec finesse et justesse ce que beaucoup n’accomplissent qu’au prix de dialogues trop graves et poussiéreux. Preuve, s’il en en est, que le cinéma français s’avère parfois aussi accessible qu’ambitieux. On se souviendra de ces séquences solaires, où les corps s’entrelacent passionnément. Et, peut-être, davantage encore de cette fascinante nuit américaine – la plus belle aperçue au cinéma depuis longtemps.
© Wild Bunch Distribution
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