Le 7 mars 2019
Un petit brin de femme parvient, juste en posant des mots, à faire trembler le système patriarcal en Afghanistan, dans un documentaire juste, qui, malgré les drames, se distingue par son optimisme.
- Réalisateur : Sahra Mani
- Genre : Drame, Documentaire
- Nationalité : Français, Afghan
- Distributeur : BlueBird Distribution
- Durée : 1h20mn
- Date de sortie : 6 mars 2019
- Plus d'informations : Le site du distributeur
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Résumé : Sur les pentes des montagnes mauves de Kaboul, où les cerfs-volants tournoient au-dessus des bazars, où règnent les croyances religieuses, Khatera, 23 ans, enceinte de son second enfant, brise le silence. Abusée par son père depuis son jeune âge, elle décide de prendre la parole. Ces quelques mots prononcés à la télévision, devant des millions de téléspectateurs, provoquent un séisme auprès des autorités politiques. Face à elle c’est tout un pays qui se lève. Déterminée à faire valoir ses droits, elle saisit la justice pour se défendre et faire reconnaitre son statut de victime. Comment porter plainte et être entendue ? Ce film coup de poing livre au jour le jour le combat d’une femme d’exception.
Notre avis : Avec ce documentaire, Sahra Mani nous emporte dans un film aux féminins. Avant le mouvement #MeToo, elle s’est attelée à filmer une femme, victime de viol incestueux dans son combat. Et ce petit brin de femme parvient, juste en posant des mots, à faire trembler un système patriarcal, qui ne veut pas voir sa souffrance. Parce qu’en osant dire non, elle a le courage de prendre le risque de finir ses jours en prison à cause d’un crime dont elle est victime. Parce qu’elle se dresse, qu’elle récupère le pouvoir qu’elle a sur son propre corps, sur sa propre vie et celle de ses enfants, elle devient l’ennemie d’une société. Elle, toute seule.
© BlueBird Distribution
Féminins d’abord car c’est un film de femmes. Les hommes n’y ont pas leur place. Ils l’ont ailleurs. Ici, la réalisatrice nous montre des femmes invisibles dans la société dans laquelle elles vivent, et ne filme qu’elles. Ou presque. La fille, la mère, la femme n’existent que par rapport à un homme. Pas ici. Ici, elles sont. Point. Les hommes, très peu présents dans le film, ne sont représentés quasiment que par cette chape de violence qu’ils peuvent employer, par la peur qu’ils inspirent, la menace oppressante qu’ils exercent. Et c’est assez. C’est assez pour comprendre Khatera, la suivre, l’écouter, la voir, l’entendre. Alors qu’on voudrait qu’elle n’apporte que la honte et le déshonneur, Sahra la rend fière, déterminée, belle. Ses frères, ses oncles ne lui dicteront pas leur loi. Elle reprend le contrôle sur son existence.
Aux féminins ensuite parce que c’est le destin non pas d’une mais de trois femmes. Trois générations qui s’observent, se jugent, s’entraident et s’aiment. Evidemment, la fille d’abord, Khatera, principale protagoniste. On suit son histoire, ses blessures, son combat. Mais aussi sa mère, qui la soutient, toujours, et qui doute, parfois. Elle qui a pendant des années a subi les violences, les viols de son mari sans savoir quoi faire. Témoin impuissant de ses agissements envers leur enfant. Et enfin, Zainab, la petite fille, haute comme trois pommes, qui grandit dans un univers chaotique empreint de craintes et de violences et dont on sent parfois le manque de repères.
© BlueBird Distribution
Toujours dans la bienveillance et la tendresse, la réalisatrice nous dévoile leurs peurs, leurs espoirs mais aussi leurs conflits, internes ou entre elles. A travers elles, nous nous mettons face à nos contradictions et nos propres réflexions sur nos modèles familiaux, notre relation à notre corps, nos envies de maternité et la place de la violence domestique. Au-delà de la représentation sociale de l’Afghanistan, ces débats, très présents en Occident, nous poussent encore plus loin dans ces interrogations. Parce qu’ici aussi, il reste des a priori sur les victimes de viol. Parce qu’ici aussi, on entend que si c’est arrivé, c’est que quelque part, on l’avait un peu voulu. Evidemment, en filigrane, nous avons une image du fonctionnement de l’Afghanistan, de la place des femmes mais aussi du fonctionnement de la société. On aperçoit les désordres politiques entre les talibans et la loi coranique violente, et la corruption du gouvernement en place qui n’est guère mieux. On prend conscience du parcours du combattant de Khatera face aux Mollahs qui ignorent ses appels, à la justice qui l’accuse parfois au lieu de la défendre, aux voisins, qu’elle dérange parce qu’elle ose parler. La sensibilité dont fait preuve Sahra Mani nous fait naviguer entre indignation et attendrissement. La caméra suit Khatera. On attend, longtemps, que quelque chose se passe. Désarmés. Parfois, Sahra se permet d’intervenir, de poser des questions, d’aider à poser des mots sur des sentiments. Le quasi huis clos participe à cette atmosphère pesante dans laquelle vivent ces femmes. Les images de Kaboul, magnifiques, nous offrent une respiration avant de replonger dans la lutte.
Et pourtant, malgré les drames, la peur, les déménagements, les menaces, les larmes, ce film est rempli d’optimisme. Khatera se bat avec le sourire. Les difficultés ne sont que passagères, la joie revient toujours.
- © BlueBird Distribution
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