Somebody to love
Le 4 novembre 2013
Une brillante comédie existentielle des frères Coen. Un sommet d’humour angoissant, proche de Barton Fink, et plus personnel qu’à l’accoutumée.
- Réalisateurs : Ethan Coen - Joel Coen
- Acteurs : Michael Stuhlbarg, Sari Lennick, Richard Kind, Fred Melamed, Fyvush Finkel
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : StudioCanal
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 20 janvier 2010
- Plus d'informations : Le site du distributeur
Résumé : 1967. Larry Gopnik, professeur de physique dans une petite université du Midwest, vient d’apprendre que sa femme Judith allait le quitter. Elle est tombée amoureuse d’une de ses connaissances, le pontifiant Sy Ableman. Arthur, le frère de Larry, est incapable de travailler et dort sur le canapé. Danny, son fils, a des problèmes de discipline à l’école hébraïque, et sa fille Sarah vole dans son portefeuille car elle a l’intention de se faire refaire le nez. Pendant ce temps, Larry reçoit à la fac des lettres anonymes visant à empêcher sa titularisation, et un étudiant veut le soudoyer pour obtenir son diplôme. Luttant désespérément pour trouver un équilibre, Larry cherche conseil auprès de trois rabbins. Qui l’aidera à faire face à ses malheurs et à devenir un mensch, un homme bien ?
Critique : Chez les frères Coen, les films se suivent à grande vitesse mais ne se ressemblent pas. Après la splendide noirceur de No Country for Old Men et l’exquise absurdité de Burn After Reading, voici une œuvre à nouveau surprenante, une vraie comédie dramatique (terme souvent galvaudé) doublée d’un conte métaphysique qui, impossible de s’y tromper, ne peut être imputable qu’aux auteurs. Pour le style bien entendu mais aussi cette fois pour des éléments autobiographiques qui d’ordinaire ne sont pas légion dans la filmographie de la fratrie. En 1967, les Coen avaient à peu près le même âge que Danny Gopnik, le fils de leur pauvre héros Larry, et vivaient également dans une banlieue du Middle West. A Serious Man est un fantasme rétroactif, une sorte de retour nostalgique sur leur enfance magnifiquement perverti par leur imaginaire adulte.
- © StudioCanal
Le propre des Coen n’a jamais été de recréer notre monde. Tous leurs films sont situés dans un univers parallèle, certes familier, mais empreint de cette fameuse « inquiétante étrangeté » freudienne dont les figures essentielles seraient le glissement et le décalage. Ainsi, les mouvements de caméra, les choix de points de vue ainsi que certains cadrages sont tout à fait atypiques sans être pour autant ostentatoires. La magie des frangins n’est pas tape-à-l’œil, elle se pare au contraire d’une élégante discrétion. Ce sont de fabuleux conteurs, ce n’est pas une surprise, et ils le prouvent encore une fois avec cette histoire dont le point de départ anecdotique (un baladeur confisqué) semble être la seule cause de tous les événements qui vont s’enchaîner. Le ciment du film et de sa diégèse, ce sont ces détails, ces signes que le spectateur et les protagonistes s’évertuent à déchiffrer pour tenter de comprendre le sens de leur vie et l’ordre du monde. Mais la mise en scène, la musique et les effets sonores génèrent une angoisse pernicieuse soulignant le fait qu’au contraire il n’y a rien à comprendre. On nage dans un fatalisme revendiqué mais joyeux, reposant sur un comique de répétition efficace. L’absurdité de la vie, son extrême précarité, encouragent à ne pas déchiffrer les signes mais à « accepter le mystère » comme le dit un des personnages dans l’un des dialogues les plus drôles du film. Cela nous est suggéré dès le prologue, une légende juive inventée par les auteurs, qui n’a rien à voir avec la suite mais nous prépare au fait que le mystère aura de toute façon toujours plus d’impact que sa résolution, pour le moins incertaine. La manière de raconter une histoire est beaucoup plus intéressante que sa chute.
- © StudioCanal
Nul besoin de préciser qu’il n’y a évidemment aucune once de cynisme dans tout cela. Les personnages sont certes des marionnettes manipulées par le destin mais ils font montre d’une humanité touchante. Les frères Coen ont beaucoup de tendresse pour eux jusque dans leurs aspects les plus grotesques. Cela permet une identification qui nous invite à partager leurs peines et réflexions vaines, donc existentielles. Les interrogations sont nombreuses mais où sont les réponses ? Où se cache le sens de la vie ? Dans la religion ? Dans les mystères de l’orthodontie ? Dans la marijuana ? Non, mes biens chers frères, en vérité je vous le dis, le sens de la vie se trouve dans une chanson du Jefferson Airplane. Et c’est très bien comme ça !
- © StudioCanal
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 21 janvier 2010
A Serious Man - Joel et Ethan Coen - critique
Fidèle à leur style mais renouvelant quelque peu leur univers, les frères Coen proposent un savoureux conte yiddish, avec ses zones d’ombre et de mystère, à l’instar de ce prologue incongru dont il ne sera plus question par la suite. Captivant de bout en bout, ce puzzle narratif est encore un jalon dans leur pourtant riche filmographie.
’Boo’Radley 11 février 2010
A Serious Man - Joel et Ethan Coen - critique
Sis dans une banlieue du Midwest américain, un drôle de conte juif, assez littéraire dans son inspiration mais cinématographique dans son expression. On entre de plain-pied dans un univers symbolique, sans avoir affaire à un faux réalisme vrai ou à un vrai symbolisme faux. Un film majeur des parfois exagérément vantés frères Coen, presque aussi essentiel qu’un proverbe de l’Ancien Testament.