Dans le huis clos des diocèses, des prêtres se sont mobilisés pour dénoncer publiquement les manquements de l’Eglise dans sa gestion des affaires pédocriminelles.
Le 30 novembre 2021

- Scénaristes : Fabien Toulmé, Daphné Gastaldi, Mathieu Martiniere, Mathieu Périsse
- Dessinateur : Fabien Toulmé
- Famille : Roman graphique
- Editeur : La Revue Dessinée
Des journalistes du collectif We Report ont enquêté pendant plus de trois ans sur la pédocriminalité au sein de l’Eglise catholique. Après de nombreux articles, un ouvrage et une collaboration à Cash Investigation, ils ont mis en lumière le travail des prêtres lanceurs d’alerte dans une bande dessinée de reportage parue dans La Revue dessinée.
Résumé : Alors que l’Eglise réfléchit à des mesures contre les abus sexuels avec la commission Sauvé, il y a deux ans, un trio de journalistes et le dessinateur Fabien Toulmé se sont penchés sur les prêtres qui se sont évertués à mettre fin à l’omerta.
Il y a encore peu, la loi du silence faisait foi au sein de l’Église. Les auteurs d’agression sexuelles sont passés entre les mailles du filet de la justice, couverts par leur hiérarchie. Mais depuis quelques années, les victimes témoignent, épaulées par des prêtres qui font à leur tour entendre leur voix. Parmi eux, le père Vignon a osé demander publiquement au cardinal Barbarin de démissionner, et s’est dès lors retrouvé propulsé sur le devant de la scène. Le quatuor d’auteurs-dessinateur fait la lumière sur les actions de ces « Justes » de l’Église, « longtemps restés dans l’ombre, de peur de se voir sanctionner », ainsi que le souligne Mathieu Martiniere. Grâce à une narration astucieuse, cette BD-reportage met à l’honneur leurs combats mais aussi leurs errements et, pour certains d’entre eux, leurs blessures. Le lecteur qui n’aurait pas pris connaissance des articles de We Report ou du reportage de Cash Investigation peut d’abord être surpris de découvrir l’existence d’une justice à deux vitesses qui, il y a encore peu, se pensait comme en-dehors du droit commun.
Le découpage de la bande dessinée, en apparence simple, se révèle astucieux. Ce reportage graphique est consolidé par le personnage du père Vignon qui, comme l’explique Daphné Gastaldi, sert de « colonne vertébrale au reportage ». En effet, la la bande dessinée est organisée autour de cette figure qui est l’agent de l’action privilégié. Par le père Vignon, la bande dessinée insère petit à petit des personnages-clés. Fabien Toulmé a opté pour des dessins assez sobres et une gamme chromatique restreinte, mais utilisée habilement. A l’évolution du temps correspond un changement de couleurs, à l’exception du marron (présent dans toutes les cases) qui renforce l’unité de la bande dessinée. Notons enfin que La Revue dessinée a coutume d’accueillir des documentaires dans lesquels des dessins humoristiques contrebalancent avec le sérieux de l’affaire. Ici, les touches d’humour sont moins évidentes que dans la plupart des BD de la revue. Il est en effet difficile, et probablement pas souhaitable, d’introduire de tels effets dans une affaire qui concentre des faits aussi graves.
A la fois précise et efficace, Briser le silence est un reportage graphique fort et accessible au plus grand nombre. Autant de marques qui en font une bande dessinée de reportage réussie qu’il convient de redécouvrir aujourd’hui.
Bande dessinée de reportage parue dans La Revue Dessinée, n°25, automne 2019
(n° disponible sur commande ici )