Le 5 septembre 2016
- Scénariste : Laureline MATTIUSSI>
- Dessinateur : Laureline MATTIUSSI
- Collection : Ecritures
- Genre : Roman graphique
- Editeur : Casterman
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 24 août 2016
Un roman graphique percutant, très noir et aussi blanc
Quand Laureline Mattiussi rencontre Carlos Salem, l’œuvre qui en ressort fait l’effet d’un très bon porto : très fort et très noir. Je viens de m’échapper du ciel est un album à la fois teinté d’une ambiance polar et onirique comme de la poésie, un Hemingway qui aurait traversé Vargas de plein fouet, avec des soubresauts qui n’appartiennent finalement ni au policier, ni à la poésie. Un savant mélange de tranches de vie mal découpées, de fantasmes inassouvis et de bars et d’alcools frelatés qui donnent une réelle ambiance et en fin de compte un sens à toutes ces pages. Le jeu de noir et blanc, contraste perpétuel avec une ville inconnue et innommée en toile de fond, souligne cette impression de soir, de crépuscule permanent sur les personnages, qui ne donnent finalement que peu d’eux-mêmes, se contentant de subir, de passer, de marmonner. C’est en fait une plongée que propose Mattiussi, car au départ tout semble assez calme, plat, peut-être trop lisse. Mais rapidement, les petits dialogues, les pensées intérieures du héros, les interventions célestes donnent un cachet à l’ouvrage, le rendent sensible, attachant.
© Casterman
Le nom et la couverture laissait entendre une histoire d’amour, les regrets, la perte, mais les pages à l’intérieur ne sont pas aussi simples. Le fou, les SDF, jusqu’au complice du héros, rien n’est véritablement découpé et décortiqué, laissant la place à l’interprétation, au questionnement et au mystère. Le sens n’est pas une voie unique, le scénario le laisse clairement entendre : il ne faut pas voir le début comme le commencement, et la page finale comme l’achèvement. Les rôles peuvent être inversés, le rêve brouille les pistes et chaque mot peut se révéler un indice. Le lecteur est percuté, chamboulé, mais aussi sollicité au fil des différents chapitres, parfois s’accordant entre eux, parfois discordants. Car l’essentiel n’est pas d’aller le plus vite possible au bout du livre, mais de s’y plonger lentement.
© Casterman
À mi-chemin entre le polar des années 80 et un songe poétique, Je viens de m’échapper du ciel bouscule les codes, s’installant dans cette catégorie souvent fourre-tout du roman graphique, mais clairement esthétique et voluptueux comme peut l’être Pulp Fiction au cinéma, l’humour grinçant en moins (encore que, la discussion sur Terminator 2 s’y insère plutôt bien...). Une très très bonne surprise de rentrée !
200 pages - 18,95€
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