L’île aux enfultes
Le 12 mars 2013
Fini les Freaks and geeks, les attardés géniaux ou les comiques dépressifs. Mais si Judd Apatow a vieilli avec ses personnages, et que leurs priorités ont viré de bord, son dernier-né n’est heureusement pas le film de la maturité.
- Acteurs : Paul Rudd, John Lithgow, Leslie Mann, Jason Segel, Megan Fox, Chris O’Dowd
- Genre : Comédie
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h14mn
- Titre original : This is forty
- Date de sortie : 13 mars 2013
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Fini les Freaks and geeks, les attardés géniaux ou les comiques dépressifs. Mais si Judd Apatow a vieilli avec ses personnages, et que leurs priorités ont viré de bord, son dernier-né n’est heureusement pas le film de la maturité.
L’argument : Marié depuis des années, Pete est le seul homme de la maison : il vit entouré de sa femme Debbie et de leurs filles Charlotte et Sadie, âgées de 8 et 13 ans. Alors que sa maison de disques indépendante bat de l’aile, avec Debbie, ils doivent trouver les moyens de lâcher prise et de profiter du reste de leur vie… avant de s’entretuer.
Notre avis : De loin, 40 ans : mode d’emploi ressemble à un épisode de Confessions intimes avec de meilleures punchlines, et un changement de cap dans la carrière d’Apatow, passé des faux adultes génito-centrés au naufrage d’un couple parental. Mais à la loupe, ce spin-off d’En Cloque : mode d’emploi, aussi brillant soit-il, sent le coup de peinture plutôt que le grand ravalement. D’abord parce que la crise existentielle du duo Paul Rudd/Leslie Mann fait écho à l’angoisse métaphysique du Adam Sandler de Funny People ou à la douce mélancolie des puceaux antérieurs, ensuite parce que son humour de potache miraculeux élevé au stand-up et aux saillies pop-cultivées reste celui d’un cancre complaisamment vautré dans le malaise, et certainement pas dans les vannes freudiennes de Woody Allen. Si l’on veut, Judd Apatow a finalement toujours tenu à fouiller dans un même mouvement l’âme et les sous-vêtements de ses héros, quelque soit leur âge ou leur situation bancaire.
Chez Rudd et Mann, soit le complice de luxe et la femme du réalisateur, le doute permanent a des allures de culte plus ou moins secret. Amoché par la quarantaine, on y remet en cause la libido et le bien-fondé du mariage, son propre sex-appeal, ses goûts, son job, sa capacité à élever ou supporter ses enfants, et on en vient même à chercher du côté des anciens (Un père adoptif quasiment étranger, et un beautiful loser fauché mais remarié) des soutiens moraux ou une aide à la navigation qui ne viendront pas. Voyeur jouissif armé d’une lampe frontale, Apatow ne se prive pas d’explorer les recoins les moins appétissants de la vie de couple, qu’il s’agisse de misère sexuelle, de promiscuité pétomane, de névroses alimentaires, de petites lâchetés ou de gros mensonges, et même carrément du rectum de monsieur, terrifié par le cancer du côlon, et exigeant de madame qu’elle le rassure en jetant un œil dans ses profondeurs insalubres. Tout le film est d’ailleurs synthétisé par cette séquence, puisqu’elle pose sa question fondamentale : Jusqu’où l’amour peut-il se rendre sans être irrémédiablement souillé ?
Evidemment, puisque le réal est lui-même un pater familias, aussi fasciné par les désordres ménagers que soucieux de préserver un modèle qu’il ne questionne jamais en profondeur, 40 ans : mode d’emploi maintient une distance de sécurité entre son écriture et le cœur du sujet. Peu importe, on sent de toute façon qu’Apatow excelle avant tout en surface, en multipliant les explosions de puérilité de ses quadras, les personnages secondaires prestige (Jason Segel, Chris O’Dowd, Lena Dunham), les monologues en dérapage incontrôlé (celui de Melissa McCarthy, improvisé aux deux tiers, s’apprête à devenir une référence), les situations embarrassantes (le père de Paul Rudd qui ne distingue pas ses propres enfants) ou les hommages à la joyeuse incorrection des comedy-clubs. Parce qu’avec sa structure un peu lâche, ses personnages dont la confusion masque la véritable détresse, et sa dimension de sitcom de luxe, le métrage n’est pas le digne héritier de Funny People - sans être pour autant son parent pauvre – mais annonce de beaux lendemains à celui qui devrait un jour parvenir à réveiller le scénariste planqué derrière le saint-patron des comiques hollywoodiens. Rassurez vous, cela dit, Apatow reste une valeur refuge.
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