Le 26 octobre 2024
Un drame familial et communautaire à la fois efficace et mené avec rigueur, radioscopie glaçante de l’intolérance et de la corruption.
- Réalisateur : Emanuel Pârvu
- Acteurs : Laura Vasiliu, Adrian Țițieni, Bogdan Dumitrache, Valeriu Andriuță, Ciprian Chiujdea, Ingrid Micu-Berescu
- Genre : Drame, LGBTQIA+, Teen movie, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Roumain
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h45mn
- Titre original : Trei kilometri până la capătul lumii
- Date de sortie : 23 octobre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
L'a vu
Veut le voir
– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, En compétition
– Cannes 2024 : Queer Palm
Résumé : Adi, dix-sept ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer.
- © Festival de Cannes 2024. Tous droits réservés.
Critique : Il s’agit du troisième long métrage d’Emanuel Pârvu, également connu en tant que metteur en scène et acteur. Disons-le d’emblée : 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde est un véritable choc, et l’un des meilleurs films roumains de ces dernières décennies, quelque part entre La mort de Dante Lazarescu et 4 mois, 3 semaines, 2 jours. Adi, un jeune homme de dix-sept ans, passe un été paisible dans la maison familiale, située dans un petit village au cœur du touristique Delta du Danube. Il partage son quotidien auprès de parents a priori bienveillants et d’Ilinca, une amie d’enfance. Un soir, il sympathise avec un étudiant de passage, venu de Bucarest. Au petit matin, Adi rentre chez lui terriblement amoché : il a été agressé au cours de la nuit par deux individus qui lui ont en outre volé son téléphone. 3 kilomètres jusqu’à la fin du monde dispose d’un scénario limpide et efficace, qui commence comme un conte rohmérien et dévie vers le drame oppressant à la Haneke. Le cinéaste parvient à montrer les ravages de l’intégrisme religieux et de la corruption policière, alliées malgré elle pour faire respecter un ordre social et étouffer toute velléité d’émancipation individuelle. La cellule familiale s’en trouve gangrénée : pour maintenir les apparences et ne pas faire de vagues, le père et la mère en viennent à déconsidérer et maltraiter leur fils, qui passe du statut de victime au symbole de honte (de la famille, de la communauté).
- © Vlad Dumitrescu / Memento Distribution
Les quelques visages de bonté (la jeune voisine) et d’intégrité (l’assistante sociale) parviendront-elles à inverser l’ordre des choses ? Cette critique virulente d’une société roumaine rigide et homophobe évite le manichéisme et la démonstration du film à thèse, ce qui n’exclut pas de longs dialogues au cours desquels se dévoile l’hypocrisie et le détournement des valeurs morales. Le réalisateur a ainsi déclaré pour le site du Festival de Cannes, où son film a été présenté en compétition officielle : « Dans une petite communauté, vous avez différents archétypes. Vous avez l’Église, le docteur et la loi représentée par la police. Ce qui m’importait, c’était comment nous pouvons rassembler, synthétiser la société en ces quelques personnages. Par exemple, pour moi le Mal est une notion qui se discute uniquement dans un contexte religieux, c’est complètement décorrélé de la vie où l’on n’a pas à vous imposer cette notion de Mal contre le Bien. Quand des agressions adviennent, comme dans le film, que faut-il penser, si on ne tient pas compte de ce que la religion, ou les autorités pourraient dire ? Comment faut-il intervenir ? »
- © Vlad Dumitrescu / Memento Distribution
Le recours à l’humour pince-sans-rire révélant l’absurde de situations, loin d’être une concession, ne fait que renforcer le cadre angoissant de la narration, les pires motivations semblant se cacher au sein d’un décor paradisiaque. La mise en scène, sans esbroufe, dénote une réelle rigueur filmique, et un sens plastique saisissant, notamment par le choix des couleurs en extérieur, en collaboration avec le directeur photo Silviu Stavilă. « On a discuté pendant huit à dix mois sur la couleur et les textures qui devaient accompagner les personnages. On a fait le choix de les mettre en pleine nature comme dans un écrin, où tout semble toujours silencieux et beau, un endroit loin du tumulte de la vie citadine. Donc visuellement on a voulu une atmosphère de paradis végétal, calme, légendaire comme le Danube, alors que pour les gens qui y vivent, dans le creux des maisons, en réalité, c’est l’enfer », précise encore Emmanuel Pârvu. Ce film courageux et nécessaire, abordant une thématique sociale et politique en l’intégrant à une ambition cinématographique, est donc hautement recommandable.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.