Yankee - la critique de la série

Notre avis : Yankee, création originale mexicaine Netflix, diffusé depuis le 14 juin 2019, avait tout pour semer dans les sillons déjà bien labourés par Narcos (la saison 5, suite de Mexico, est a priori dans les tuyaux, sous réserve de l’agenda de Diego Luna, annoncé dans une série préquel à Rogue One pour le futur SVOD de Disney) et par El Chapo, et certainement y faire une bonne récolte. Pourquoi écrit-on « avait » (en espérant vivement nous tromper) ? Cette série serait-elle mauvaise ? Non. On vous explique à la fin.

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Malcolm Moriarty, né de père américain et mère mexicaine, mène une vie paisible à Tucson en Arizona. Il est mariée à une Hispanique, père de deux enfants et gère une agence immobilière avec sa femme. Mais tout ceci n’est que façade : les maisons vendues avec madame, servent de planques pour la came qu’ils importent du Mexique et distribuent via un gang de bikers associé. Suite à un malheureux concours de circonstances, Malcom blesse gravement un policier et n’a pas d’autre alternative que de fuir au Mexique, chez ses « fournisseurs ». Sauf que son arrivée agace aussi bien ses hôtes sous-fifres du cartel, qui se méfient de lui comme de la peste, que du côté des autorités corrompues jusqu’à la moelle, qui ne ressentent pas un besoin pressant à trouver ce « gringo », dès fois que, on ne sait jamais…

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Dès le premier épisode, le spectateur est plongé dans le grand bain et nage dans un joyeux potage mexicain : qui bosse ou pas pour Truc ? Qui est allié ou trahit Machin ? Qui est corrompu ou pas ? Et pour épicer le tout, toujours dès le premier épisode, on a droit à un petit tour bien flippant dans un tunnel sous la frontière, à de pauvres esclaves traversant le désert avec 40 kg d’herbe sur le dos, la moitié crevant de soif en route (pas grave, c’est prévu par les comptables du cartel), sans oublier des descentes de flics avec exécutions sommaires. Tout est filmé et monté au pas de charge, et bien sûr on se dit, c’est le premier épisode, histoire de bien planter le décor : une tripotée de personnages, on ne saisit pas complètement qui est qui, et tout cela va forcément s’éclaircir par la suite. Que nenni ! Non seulement cela ne cesse de se compliquer, voire devenir assez confus, le rythme infernal est maintenu sous pression non-stop, et on finit avec une envie quasi irrépressible de sniffer ce méga rail de 25 épisodes de 40 minutes, à s’en défoncer les narines, les yeux et les boutons de la télécommande. Bref, risque d’overdose en cas de binge watching !

Oui, on le confesse, Yankee, c’est de la sacrée dope. Mais on sait aussi que « la drogue, c’est mal ».

On voit bien que la série ne joue pas dans la même cour que Narcos, qui avait ce côté documenté à coups d’images d’archives, puisque c’est de la fiction totale, mais qui s’appuie sur la terrible réalité des guerres entres les cartels de Sonora et Sinaloa, pour le contrôle des voies vers les États-Unis. On flaire aussi, de temps à autre, quelques arrières mauvais goûts de télénovela (le casting est en grande partie issu de ces séries mexicaines), mais l’interprétation est plutôt bonne et la majorité des personnages a des traits pas plus délirants ou paranos qu’un Pablo Escobar ou El Chapo. Et d’ailleurs, comme ces précédentes séries nous ont formés à la « créativité » sans limite de ces sinistres gens, c’est sur ce terrain que les scénaristes tirent leur épingle du jeu : plus on avance dans le récit, plus on découvre que sous son look Jésus-baba-cool et son gang ambiance start-up (on n’en dira pas plus), ce Malcolm Moriarty, alias Yankee, se révèle vite un sacré malin du trafic (dès le deuxième épisode, l’explication de sa méthode est exposée, donc niveau « spoilitude », on vous laisse les 23 autres épisodes), mais surtout de plus en plus tordu.

Yankee, c’est bien de la sale dope : un mélange d’impuretés de télénovela, d’ellipses narratives à l’emporte-pièce et retournements de situations parfois trop faciles, coupé avec de la pure blanche consubstantielle au genre : profonde galerie de trafiquants malins ou abrutis, barons ploucs à chapeaux santiags ou en costume logeant dans de somptueuses villas, gamins exploités rêvant d’argent facile, flics pourris, politiques et procureur jouant au chat et à la souris, services de renseignements se tirant la bourre, coups fourrés et rebondissements non stop, flash back, épisodes charnières, sans oublier exécutions et assauts bien sanglants sur fond de rap sauce mexicaine. Yankee, est à l’image de son sujet, le trafic de drogue : une série addictive malgré ses défauts. Quant au final, tordu à souhait, il laisse notre héros dans une situation entre machiavélisme et béchamel, comme on dirait dans un Audiard. Ce qui nous ramène au début de notre article.

Il ne vous a pas échappé que cette série qui, malgré ses défauts, « avait » tout pour faire un carton, est sortie dans la discrétion la plus absolue. Il nous a fallu aller à la pêche aux infos sur les créateurs, le casting et de probables annonces ou bruits sur une évidente saison 2, contrairement à l’usage pour ce type de série meanstream où en 2 clics, l’affaire est réglée. C’est ce qui aurait dû se passer dans des conditions normales de température et de pression comme on dit en météo. Sauf que ladite pression est sur les épaules de Netflix, les producteurs et surtout sur celles de l’interprète du rôle titre, Pablo Lyle qui, lui, est dans une vraie béchamel.

En avril dernier, Lyle se rend à l’aéroport de Miami pour rentrer au Mexique. À un feu rouge, un homme descend de la voiture derrière l’acteur et semble l’agresser verbalement. Que se passe-t-il ? Mystère. Lyle descend à son tour de sa voiture, file un coup de poing au monsieur et repart en le laissant inconscient sur la chaussée. Interpellé à l’aéroport, il est présenté à un juge pour voie de fait. Hélas, l’affaire s’aggrave : l’homme hospitalisé meurt des suites du coup et le délit de voie de fait requalifié en homicide involontaire. Pablo Lyle est en attente à Miami, avec bracelet électronique, pour son procès où il compte plaider non-coupable, sachant que le tarif en Floride fait le yoyo, entre quelques milliers de dollars d’amende et quinze ans de prison. Autant dire que, sauf retournement très spectaculaire, le destin de la série qui s’avérait plus que prometteuse est scellé, ceci expliquant probablement la discrétion de Netflix* sur son lancement.

(*) Aucune bande annonce sur le compte Youtube de Netflix et Yankee est diffusée exclusivement en VOST.