Le 17 août 2017
Voilà des années qu’on voit Woody Harrelson jouer les gros durs, mais son rôle proche d’un Forrest Gump nouvelle génération dans Wilson semble avoir été pensé pour prendre à contre-pied cette image d’une masculinité bourrue. Le pari est-il réussi ?
- Réalisateur : Craig Johnson
- Acteurs : Laura Dern, Woody Harrelson, Judy Greer
- Genre : Comédie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Park Circus France
- Durée : 1h41mn
- Date de sortie : 16 août 2017
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Résumé : Après la mort de son père, un misanthrope cherche son ex-femme, droguée. Lorsqu’il apprend qu’une fille est née après leur divorce, il tente de reconstituer sa famille coûte que coûte.
Notre avis : Impossible d’évoquer le long-métrage Wilson sans s’étendre un minimum sur son interprète principal, Woody Harrelson. L’ancien Mickey Knox de Tueurs Nés, qui a vu sa côte de popularité (et de rentabilité) exploser depuis la première saison de True Detective, est désormais associé dans l’imaginaire collectif à un impressionnant mâle dominateur, et ce n’est certainement son rôle de simili Marlon Brando dans La Planète des Singes : Suprématie qui va venir ternir cette image virile. Autant dire que le personnage de Wilson, tout droit sorti de l’imagination anti-stéréotypée de Daniel Clowes, lui assure un brutal contre-pied à cette réputation impérieuse.
Pour rappel, Clowes est celui dont la BD Ghost World a offert à Scarlett Johansson, lors de son adaptation sur grand écran en 2002, son rôle le moins glamour. Tel qu’il l’a couché sur le papier, Wilson est un individu difficile à cerner : à la fois attardé candide, révolté discourtois et rhéteur sans tabou, cet asocial se reconnaît avant tout par sa tendance pathologique à dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Cette absence d’hypocrisie, qu’elle soit le fruit d’une intelligence cynique ou d’une naïveté enfantine, est en tout cas la source de situations qui s’annoncent assurément cocasses.
- Copyright 2017 Twentieth Century Fox
Tout le malaise du passage sur grand écran est justement là. D’une part, Woody Harrelson ne semble pas lui-même savoir aborder son personnage, et d’autre part, le scénario se limite trop longtemps à une succession de saynètes faites de rencontres et de courts dialogues bruts chargés en humour noir. Une recette qui peut tout à fonctionner dans le cadre d’une bande dessinée mais certainement pas d’un long métrage. De plus, si le rôle-titre est difficile à faire entrer dans une case, chacun de ses interlocuteurs est à l’inverse une caricature. Il est donc évidemment bon de le voir s’entendre dire leur quatre vérités, au risque d’y percevoir une indéfendable méchanceté et quelques vannes téléphonées.
Voir ainsi Woody Harrelson enchaîner les scènes sans jamais parvenir à incarner la gaucherie de son personnage autrement qu’en lui attribuant un air d’ahuri limite la portée de ses réflexions pourtant souvent avisées. Fort heureusement, un semblant d’intrigue mélodramatique vient pimenter le quotidien déprimant de ce marginal solitaire et hermétique au sacro-saint politiquement correct. Les retrouvailles avec son ex-femme (Laura Dern, que l’on a déjà vue plus radieuse) puis la rencontre avec sa fille qu’il n’avait jamais connue (Isabella Amara, récemment découverte dans Spiderman Homecoming) forment toutefois un récit particulièrement convenu. Ironiquement, cette conformité en terme de dramaturgie est justement l’antithèse de l’esprit hors-norme qu’incarne Wilson.
- Copyright 2017 Twentieth Century Fox
Dans un tel schéma scénaristique, que l’on a déjà pu voir dans bon nombre de drames familiaux éminemment plus consensuels, le surjeu singulier auquel se livre Harrelson apparaît comme un frein à la charge émotionnelle qu’il est pourtant censé dilapider. L’impossibilité de concevoir le passif marital de ce personnage hautement exécrable encombre plus encore les sentiments que devraient nous faire ressentir ses retrouvailles avec son ex-femme. Sur la forme, la fadeur de la mise en scène avec laquelle est filmée cette petite histoire gentillette, et une narration qui préfère poser une grossière ellipse de pas moins de 3 ans que figurer de quelque façon le développement de son personnage éponyme, Wilson apparaît comme une comédie figurative et sans âme. Assurément, si le projet d’adaptation avait, comme il fut un temps prévu, atterri entre les mains d’Alexander Payne, celui-ci aurait pu aboutir à une peinture cinglante de l’Amérique contemporaine.
Pour en revenir au sujet de Woody Harrelson, et quand bien même l’acteur semble s’être bien amusé dans certaines scènes, c’est un sentiment de malaise qui traverse le film de bout en bout en le regardant prêter ses traits à ce déphasé sans y croire un instant. On pourra toujours en tirer que son image de gros dur bourru a été écornée, mais son personnage de Wilson, dont l’exploration psychologique est passée à la trappe, ne saurait être une corde à ajouter à sa pourtant brillante palette de jeu. La finalité bien-pensante de ce film, qui emprunte sans saveur tous les gimmicks éculés du ciné indie américain, pourrait même en faire, à long terme, un boulet à son pied. Une chose est sûre : la BD dont il est tiré reste à découvrir, son contenu assurément plus adapté à ce format possède en effet un riche potentiel.
Sortie technique dans trois cinémas en France. Le film n’a pas bénéficié de communication et ne semble pas avoir de visuel publicitaire français. A vérifier dans les 3 sites le proposant (UGC Ciné Cité les Halles, Le Grand Action, à Paris, et le Cinéma Paradiso à Saint-Martin-en-Haut).
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