Le 4 août 2020
Alors que l’extrême droite gagne en force au Royaume-Uni, dans les années 70, un groupe de punks crée « Rock Against Racism ». On suit l’évolution du mouvement, jusqu’à ce que la lutte, ponctuée par la rage des guitares, prenne de l’ampleur dans tout le pays. Un documentaire enflammé, riche et militant.
- Réalisateur : Rubika Shah
- Genre : Documentaire, Musical
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : The Jokers, Les Bookmakers
- Durée : 1h20
- Date de sortie : 5 août 2020
- Festival : Festival de Berlin 2020, Festival du film de Londres, Festival du film de Cracovie, IndieLisboa International Independent Film Festival
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Résumé : Le mouvement punk éclate au Royaume-Uni et les divisions auxquelles font face la société se voient également au sein du mouvement punk : le racisme et les campagnes politiques contre les migrants commencent à être répandues dans tout le pays, et au sein même du mouvement punk il y a des skinheads qui n’hésitent pas à porter des swastikas et à engager des rapports de violence envers des minorités. Red Saunders, Roger Huddle, Kate Webb, Syd Shelton et Ruth Gregory sont des jeunes punks chez qui grandit une rébellion contre cette montée du racisme et ils accouchent ainsi de « Rock Against Racisme » (Rock contre le racisme ou RAR). Avec une approche complètement punk, de la débrouillardise totale et une bonne dose de « DIY » (« do it yourself » ou « fais le toi-même »), ils organisent des concerts, des fanzines, des manifestations et donnent la parole aux personnes qui s’engagent contre le racisme. D’abord dans le milieu underground et puis plus massivement, ils lutteront pour créer des espaces où tous sont égaux.
Critique : Pour les fans de punk, il n’y aura jamais assez de documentaires qui le mettent en valeur à l’écran. Ici, ils n’auront pas à craindre un discours répétitif, puisque ce film, signé par Rubika Shah et primé aux Festivals de Berlin et Londres, se focalise nettement sur la lutte contre le racisme, dans cette période où l’extrême droite, le parti du National Front et des jeunes néonazis polarisent l’attention de la société anglaise, à la fin des années 70. Saisie dans sa dimension historique, politique et sociale, l’évolution du punk est explorée en profondeur. Le propos satisfera les esprits curieux et rigoureux.
- Copyright Le Bookmakers
Le spectateur est guidé par la parole des membres du collectif « Rock contre le racisme », mais pas seulement. Le documentaire fait appel à des ressources variées, riches et parfois même rares, telles que des enregistrements vocaux secrets de réunions politiques ou la précieuse participation des membres de The Clash. La variété des ressources documentaires est souvent affichée en images, à travers des graphismes et des animations, dont l’esthétique typiquement punk confère un dynamisme épicé au montage.
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Le contenu de l’œuvre se fonde sur une dénonciation historique : dans le viseur, il n’y a pas uniquement les discours de haine prononcés par quelques militants politiques, ce sont aussi des musiciens de renom qui sont évoqués. Ce qui est particulier dans ce film et qu’il faut signaler, c’est son angle : la lutte contre le racisme n’est pas mise en exergue comme une bataille contre une force « maligne », nuageuse, omniprésente et abstraite. L’affrontement s’intéresse à des actions, des discours, des paroles et des visages très concrets.
Le but du RAR n’est pas seulement la dénonciation, l’objectif est avant tout d’unir à travers la musique. Le collectif délivre globalement un message résilient anti-haine et donne également la parole à la communauté homosexuelle, évoque aussi des histoires de violence contre les femmes. Leurs concerts ont pour but de rassembler des cultures et des gens qui viennent de tous horizons. L’ennemi commun est la peur.
Ainsi, se mélangent des spectateurs noirs et blancs, ainsi que des groupes de punk comme The Clash, Tom Robinson Band, Sham 69, 999 et X-Ray Spex, avec des groupes reggae tels Steel Pulse, Misty In Roots, Matumbi (Dennis Bovell), ou encore la formation de ska The Selecter. La musique qui accompagne le film lui donne son adrénaline militante.
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L’attitude de DIY « fais le toi-même » (do it yourself) est mise en contexte et contraste avec les canaux médiatiques d’aujourd’hui : à cette époque, n’existaient pas les réseaux sociaux ou même les portables. Les membres de collectif RAR n’avaient que des cabines téléphoniques et leur fanzine Temporary Hoarding. Cependant, ils ont réussi à organiser des centaines de concerts, dont le célèbre Rock Against Racism Northern Carnival, qui constitue le climax du film, où plus de 100.000 participants se sont réunis. « On ne savait même pas combien de personnes allaient s’y présenter », confesse un des organisateurs.
Sur cet événement comme sur d’autres, notre curiosité est satisfaite par une recherche documentaire détaillée : on apprend même des précisions d’organisation logistique pour les concerts ou les matériaux utilisés, comment étaient bricolés les fanzines ou encore les techniques d’affichage sauvage dans les rues.
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Pourquoi le nom « White Riot » ? Ce n’est pas seulement le nom d’un morceau de The Clash. C’est une expression qui évoque le désenchantement punk face à la société, une rébellion détournée par certains skinheads néonazis qui avaient repris la chanson. Topper Headon, batteur du célèbre band, récuse l’usage que ces groupes ont fait de cette chanson et explique que le combat contre le racisme n’appartient pas seulement aux Noirs, mais à tous. Les Blancs aussi doivent intégrer cette lutte activement. « Trop froussards pour tenter le coup (…) Je veux une émeute, émeute blanche », affirme la célèbre chanson écrite par Joe Strummer.
Engagé, riche et courageux, ce film n’est pas un simple hommage au succès du mouvement. Il évoque aussi sa mentalité : « cette société nous fait sentir impuissants, laissant les élites penser à notre place. La RAR a démontré que même les gens ordinaires peuvent agir et changer le monde ».
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