Le 21 novembre 2014
Le portrait haut en couleur d’une adolescente obsédée par ses hémorroïdes.
- Réalisateur : David Wnendt
- Acteurs : Axel Milberg, Carla Juri, Christoph Letkowski, Meret Becker
- Genre : Comédie
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h45mn
- Titre original : Feuchtgebiete
- Festival : L’Etrange Festival 2014
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– L’Étrange Festival : 6 septembre 2014
Le portrait haut en couleur d’une adolescente obsédée par ses hémorroïdes.
L’argument : Helen est une adolescente non-conformiste qui entretient une relation conflictuelle avec ses parents. Passant la plupart de son temps à traîner avec son amie Corinna, avec qui elle transgresse un tabou social après l’autre, elle utilise le sexe comme un mode de rébellion et casse la morale bourgeoise conventionnelle. Après un accident de rasage intime, Helen se retrouve à l’hôpital où il ne lui faut pas longtemps pour faire des vagues. Mais elle y rencontre Robin, un infirmier dont elle va tomber follement amoureuse…
Notre avis : À priori, Wetlands, présenté pour la première fois en France lors de l’édition 2014 de l’Étrange Festival, possède tout pour faire un carton : une mise en scène efficace, un rythme trépidant, un scénario original, une actrice principale investie et attachante, une esthétique pop et flashy, un humour provocateur. Pourtant, ce film de David Wnendt, qui fait suite au portrait d’une jeune néo-nazie dans Guerrière (2011), n’est ni un teenage movie ni une comédie trash à l’américaine. Adapté d’un roman à succès de Charlotte Roche, véritable best seller en Allemagne (Zones humides pour la version française publiée chez Anabet en 2009), le long métrage est d’une part bien trop littéraire et, d’autre part, ce passage à l’âge adulte est bien trop déviant dans son obsession à se focaliser sur ce qui est généralement considéré comme abject et dégoûtant dans notre approche du corps humain et dans la société en général. Il suffisait de voir les réactions très vives du public dès le générique où la caméra pénètre à l’intérieur d’un poil pubien afin de décrypter, avec tout un tas d’effets numériques et de matraquage sonore, toutes les bactéries qui s’y trouvent. Sur les sièges adjacents, certains se contorsionnaient et poussaient des petits cris d’horreur comme devant le plus malaisant des films d’angoisse. En effet, les obsessions de Helen, interprétée magistralement par Carla Juri, se focalisent sur les liquides corporels, mauvaises odeurs et autres fantasmes sexuels bizarres : masturbation avec des légumes, échange de tampons usagés avec sa meilleure copine, pizza au sperme, hémorroïdes, frottement sur la cuvette des toilettes. Avec l’utilisation de la voix off, on entre dès les premiers plans dans cet univers à la fois absurde et scatologique. Peu à peu, et à l’aide de flashbacks, on apprendra à connaître mieux cette adolescente, déchirée entre l’innocence de l’enfance et les problématiques du monde adulte. L’essentiel de l’action se passe dans un hôpital où Helen est reçue après s’être taillé l’anus accidentellement en se rasant. Dans ce lieu, elle rencontre à la fois l’amour avec Robin (Christoph Letkowski), un bel infirmier, et elle tente, avec la complicité de ce dernier, d’organiser les retrouvailles entre ses parents divorcés qu’elle aimerait, telle une petite fille, revoir ensemble. D’ailleurs, ces derniers apportent de vrais moments de fou rire. La mère, interprétée par Meret Becker, est une frappadigue qui a essayé toutes les religions, hygiéniste au possible, et très dure dans l’éducation alors que le père, joué par Axel Milberg, est le genre plutôt absent et préoccupé par son propre bonheur avant tout. On imagine facilement le trauma que ce genre d’attitudes engendrent et du coup le repli de Helen dans un monde de sexualité fantasque. Car la jeune fille, tout du long, reste attendrissante, et l’actrice nous fait bien ressentir la solitude du personnage et le bonheur qu’elle trouve à partager ses délires avec sa seule camarade Corinna (Marlen Kruse).
Le choix de l’hôpital est également intéressant car c’est l’endroit par excellence où les corps échappent au contrôle et où les patients ne sont réduits qu’à des fonctions élémentaires : manger, uriner, déféquer, dormir, etc. C’est aussi une micro société cachée du monde extérieur où émergent des pulsions, des besoins qui seraient mal vus en dehors et aussi le lieu où les questions d’hygiène, de propre et de sale, de caché et d’obscène sont sans cesse réévaluées. Le fétichisme, parfois absurde, du film y trouve alors une nouvelle résonance et touche à quelque chose de profond quant aux tabous et aux interdits de nos sociétés contemporaines. Pourquoi n’aurait-on pas le droit de parler de ses soucis d’hémorroïdes ? Qui définit les standards de l’hygiène corporelle ? En quoi le sperme est-il un aliment plus dégoûtant qu’une assiette d’épinards ? Du coup, le métrage remet en cause sur un mode ludique un certain nombre de choses acquises, en proposant un angle de vue décalé, et s’éloigne ainsi de la comédie sexuelle que la promotion laissait supposer. Le film est finalement très sobre et même pudique. Derrière le langage outrancier, c’est la vulnérabilité de la jeune fille qui apparaît. Sa fascination pour son propre corps porte en elle quelque chose de touchant également. Une pureté. Elle joue avec comme une gosse, vit l’instant présent et se soucie peu des conséquences. C’est aussi une réaction logique quant à un corps qui change et qui garde en lui la mémoire d’événements passés difficiles (qui seront révélés au fur et à mesure). Au final et sous des atours rentre-dedans et destroy, Wetlands nous parle de la tyrannie sociétale quant à la représentation normée du corps tout en offrant le beau portrait d’une adolescente, encore dans l’enfance tout en se préparant aux difficultés du monde adulte. Une œuvre qui pourrait recevoir un véritable succès populaire, qui confirme un réalisateur et qui révèle surtout une actrice hors pair.
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