Le 29 juillet 2018
Documentaire très attendu, le premier long-métrage de Jean-Baptiste Thoret se penche sur une multitude de sujets appartenant à l’Histoire américaine ainsi qu’à son cinéma. Le critique et historien du septième art met à profit son intelligence et sa connaissance impressionnante des 60’s et 70’s, mais peine à construire son propos par le biais de ses très nombreux témoignages.
- Réalisateur : Jean-Baptiste Thoret
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Lost Films (reprise)
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 2h17mn
- Reprise: 4 septembre 2024
- Date de sortie : 8 novembre 2017
- Festival : Festival de Deauville 2017
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Résumé : Comment l’Amérique est-elle passée d’Easy Rider à Donald Trump ? Que sont devenus les rêves et les utopies des années 60 et 70 ? Qu’en pensent, aujourd’hui, ceux qui ont vécu cet âge d’or ? Ont-ils vraiment tout foutu en l’air ?
Critique : Lorsque l’on connaît le travail de Jean-Baptiste Thoret en tant que critique et historien du cinéma, l’orientation de son premier long-métrage documentaire ne surprend guère. Spécialiste du Nouvel Hollywood, ce grand nom du septième art côté écrit pose un regard sur l’évolution des Etats-Unis, des années 60-70 à aujourd’hui, avec dans la ligne de mire l’élection de Donald Trump. Sauf que de notre période actuelle il ne sera finalement que peu question, puisqu’il s’agit avant tout d’explorer les points de vue de diverses personnes, connues ou pas, influentes ou non, concernant une époque qu’ils ont vécue, et qui semble maintenant bien loin. Conçu comme un road trip à travers le pays aux 50 Etats, We Blew It ne donne aucune réponse aux questions qu’il se pose mais colle bout à bout de multiples témoignages, kaléidoscope d’opinions disparates aussi variées que les contrées visitées. En mettant à l’honneur l’Amérique "profonde", délaissée et peu médiatisée, qui a joué un grand rôle dans l’élection de Trump, Jean-Baptiste Thoret questionne les grands oubliés de cet immense pays qui se sont dévoilés lors de la dernière élection présidentielle. Aucun jugement chez le désormais réalisateur : il n’est pas question, avec son regard franco-américain, de crucifier les responsables, mais de chercher des clés de compréhension. L’angle brille par sa sagesse et sa maturité, alors que peu ont osé à ce jour adopter un autre point de vue que celui de cracher parfois bêtement sur cette partie de la population. Sauf que ces clés, et Thoret a bien dû s’en rendre compte avec ses 146 heures de rushs accumulées, se comptent sur presque autant de doigts qu’il peut y avoir de personnes interrogées, et We Blew It, du haut de ses 2h15, montre trop pour ne pas assez construire.
- Copyright : Lost Films
On ressort de ce documentaire sans pouvoir en tirer quoi que ce soit. Les témoignages, en terme d’intérêt vis-à-vis du sujet, ne se valent déjà pas tous, mais pire, l’ensemble est si disparate et irrégulier dans sa pertinence qu’il semble mener nulle part, autrement que signifier jusqu’à l’excès que d’une autre époque (les hippies, la devise "sexe, drugs and rock’n’roll", les massacres au Vietnam vus par ses combattants), les ressentis peuvent en tout point différer. De ces années que certains n’ont pas connues, le désenchantement et la naïveté reviennent néanmoins fréquemment dans les dires des hommes et femmes interrogés. Si beaucoup considèrent cette époque là comme la meilleure, We Blew It tend malgré tout à dévoiler la manière dont cet idylle sans réflexion sur le lendemain a conditionné une génération qui a fini par se fondre dans le moule. Certains témoignages piquent par leur cynisme quand d’autres font appel à une nostalgie, le tout associé par des liants inconsistants. Les rencontrent s’enchaînent de manière horizontale, où chaque séquence paraît détachée de la précédente et de la suivante. Jean-Baptiste Thoret, avec son sujet incroyablement dense, se perd dans ses pensées et sa matière. Errance peut-être volontaire venant de ce spécialiste du cinéma, qui soigne sa mise en scène comme un trip lancinant, mais globalement beaucoup trop vain. Voyage atmosphérique à la beauté parfois étonnante, certes, mais dont l’étirement exagéré dessert l’efficacité d’un propos qui aurait gagné à être mieux recentré.
- Copyright : Lost Films
Le Blu-ray :
- Copyright : Potemkine Films
Les suppléments :
Jean-Baptiste Thoret affirmait détenir 146 heures de rushs pour son We Blew It ; donc forcément, avec une telle affirmation, on attendait de retrouver un peu de cette matière dans les suppléments. Et on ne s’y est pas trompé. Les entretiens complets de Bob Rafelson, Michael Mann et Stephanie Rothman sont un fourmillement d’informations sur les différentes grandes phases des années 60 et 70. Néanmoins, difficile de les regarder jusqu’au bout par leur manque de dynamisme dans la forme. Les suppléments présentent également un bonus atypique, Memory Road, sorte de roman photogrammes de 15 minutes commenté avec un phrasé poétique par François Angelier. Puis enfin, un nouvel entretien, avec le génial Philippe Rouyer en interviewer de Jean-Baptiste Thoret. Cette conversation plus le commentaire audio du réalisateur sont un florilège de réflexions et d’avis sur tout ce qui peut être abordé dans le film et bien plus encore. Un complément d’une extrême richesse, mais néanmoins lourd à digérer.
L’image :
L’esthétique de We Blew It se démarque beaucoup du genre du documentaire par son travail très "cinématographique", avec des contrastes très forts et des couleurs très saturées, comme une pellicule cramée. Le blu-ray permet même de révéler une autre dimension de cette forme visuelle, puisqu’il donne l’impression de regarder une remastérisation d’un film des années 80. La sensation s’explique difficilement par les mots, mais l’effet saute aux yeux au cours de certaines séquences (surtout lors des plans d’ensemble en extérieurs). Dans ce contexte, la précision varie beaucoup, du très bon au passable. Mais dans ce contexte aussi ou l’esthétique doit aller à l’encontre de la haute définition toute belle pour assurer la vision du réalisateur, les mesures objectives des différentes caractéristiques d’un blu-ray se mettent en retrait face à la pertinence et retranscription des partis pris. Ici, le transfert fait mouche.
Le son :
Une seule piste, la VO, en DTS-HD 5.1, et une excellente piste. Beaucoup de musiques accompagnent ce road trip et viennent s’intégrer avec force par un mixage qui met tout particulièrement en avant les entretiens face caméra.
– Sortie Blu-ray : le 5 juin 2018
- Copyright : Lost Films
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