Voyage au pôle Sud - Luc Jacquet - critique

Critique : Depuis ses vingt-trois ans où il a entrepris pour la première fois un voyage dans l’immensité glacée de notre planète, Luc Jacquet a vu ses cheveux blanchir. Il renouvelle un voyage aux fins fonds du pôle Sud, dans ces espaces superbes, aussi redoutables que fragiles, où seules des espèces animales habituées aux grands froids parviennent à survivre. Le voyageur accompagne son récit en bateau puis en traineau d’une page de littérature, très soignée, où les mots se confondent aux paysages somptueux. Ce périple intérieur au cœur même d’une nature qui dépérit, ressemble à un retour en enfance et une réconciliation sur les démons qui rongent le réalisateur.

Copyright Memento Distribution

Mais quelque chose dysfonctionne gravement dans ce récit contemplatif, en dépit des efforts incontestables que le réalisateur met à filmer des belles images et à raconter dans une langue riche son périple solitaire. Sans doute le grand défaut de cette œuvre demeure le risque de la complaisance. Voyage au pôle Sud parle moins du grand Sud que de l’auteur lui-même, confronté à faire du beau, à créer un livre dont manifestement il rêve qu’il soit indélébile. Les mots trop écrits, trop précieux finissent par faire douter de la sincérité de leur littérateur. Même les pingouins hagards qui s’étalent sur la banquise réduisent l’exploration à une série de stéréotypes sur une faune qui aurait mérité un peu plus de nuance dans le regard qui est porté sur eux.

Copyright Memento Distribution

Luc Jacquet choisit le noir et blanc comme marque de fabrique de son film, à l’exception d’une seule scène, très belle, qui a donné l’affiche du long-métrage, où les paysages sont colorés d’un bleu très pâle. Le travelling que le voyageur entreprend à ce moment constitue un moment important du documentaire, faisant perdre hélas l’intérêt esthétique du noir et blanc. Les drones facilitent des prises de vue aériennes assez époustouflantes, mais presque inutiles dans un récit qui se veut dépouillé, intègre au service de Dame Nature.

Copyright Memento Distribution

Bref, tout ce cortège de baleines, de léopards des mers, de manchots ou de mouettes n’aura pas suffi à retenir notre attention totalement. Ce voyage arctique n’aura pas tenu toutes ses promesses en dépit d’un soin incontestable à restituer des images de toute beauté.