Le 3 février 2010
Pour tout savoir sur une décennie de crises et de révolutions consécutives dans l’industrie du disque.
Analyse perspicace et passionnante d’une industrie en crise qui, aveuglée par l’opulence, n’a pas su se remettre suffisamment en question.
Notre avis : Grand amateur de musique et de nouvelles technologies (il a quitté Le Figaro pour le site Electronlibre.info), Emmanuel Torregano semble véritablement pris de passion pour les séismes consécutifs qui ont secoué l’industrie du disque.
L’avènement de l’internet et en particulier du haut débit, les sites peer-to-peer, l’évolution des formats musicaux, du vinyle au CD et maintenant le MP3, le diktat d’Apple sur le son, via le monopole de l’Ipod et de l’Iphone, et surtout celui d’Itune et de son féroce Apple Store, les débats carnassiers pour imposer une législation contre le piratage... Il décortique tout avec un œil perspicace, accompagné d’intervenants représentant les différentes victimes d’un système perpétuellement ébranlé depuis le début des années 2000 : Bernard Miyet de la Sacem, Patrick Zelnik de Naïve, la maison de disques indépendante qui a sorti les opus de Carla Bruni, mais aussi les pontes Thierry Chassagne pour Warner, Pascal Nègre pour Universal et enfin Stephan Bourdoiseau chez Wagram.
Démarrant son historique à une époque chérie où les disques se vendaient de façon pléthorique et industrielle (les galettes étaient alors conçues d’un point de vue marketing), où quelques gros artistes à un million de ventes par CD (rien qu’en France) nourrissaient tout un macrocosme, l’auteur finit sur notre époque de doute, où la transition vers le tout numérique et la disparition définitive du support physique poursuit sa course. Il analyse ainsi le pourquoi des chutes spectaculaires des ventes en 10 ans (depuis 2003 en France, marché d’exception culturelle, surtout épargné jusqu’alors en raison du retard informatique des foyers français) et revient notamment sur les différentes solutions mises en place par les maisons de disques (protection DRM, plateforme de vente légales, différents types d’abonnements illimités, accords avec les opérateurs de téléphonie mobile, refonte complète des départements musicaux des grands groupes avec licenciements et spécialisation de quelques têtes dans le secteur de l’internet...).
Avec le recul qu’offre le temps, il souligne tous les dysfonctionnements d’une industrie conservatrice dont les bénéfices dépassaient la raison ; dans l’aveuglement, elle s’est elle-même mis des bâtons dans les roues dans sa propre lutte contre le piratage, en étant incapable d’offrir une offre visionnaire aux internautes dont les habitudes de téléchargement, vu un temps comme criminelles, devenaient parallèlement culturelles.
Au final, la conclusion est plus mitigée qu’alarmiste. Torregano met ainsi en avant tous les bénéfices que l’internet peut apporter aux nouveaux artistes. Ces derniers doivent accepter d’être moins riches, mais plus ingénieux et doivent apprendre à séduire au-delà de leur seul territoire pour évoluer vers des ventes plus satisfaisantes. Comme les intervenants le soulignent, la musique n’a finalement jamais été aussi foisonnante, à travers notamment des sites Myspace ou Facebook, dont les plus et les moins sont également largement passés au crible. Bref, la qualité musicale n’a surtout jamais été aussi solide (rappelez-vous l’hémorragie de tubes kleenex des années 80 !). La musique survivra donc aux différents problèmes pointés par le livre : le monopole d’Apple, le manque d’efficacité de la lutte contre le piratage, l’avenir incertain du MP3 qui, lui-même, ne peut être qu’un format transitoire (commode, sa qualité n’en demeure pas moins médiocre à une époque où le cinéma tend vers la haute-définition !). Alors qu’Apple introduit l’IPad et que des génies scandinaves comptent révolutionner nos habitudes avec un potentiel remplaçant au MP3, le Musical DNA, ce bouquin pointu arrive à point pour dresser un audit d’une industrie que l’on croyait tous inébranlable et qui méritait bien quelques petits bouleversements. Les crises et les révolutions, cela peut avoir du bon !
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