Le 11 juillet 2019
Le biopic Vita & Virginia de Chanya Button nous happe dès la scène d’ouverture, mais nous perd rapidement dans les répliques. Celles-ci manquent de contexte et les surplus anachroniques prennent le dessus sur l’histoire d’amour lesbienne.
- Réalisateur : Chanya Button
- Acteurs : Isabella Rossellini, Gemma Arterton, Elizabeth Debicki
- Genre : Biopic
- Nationalité : Britannique
- Durée : 01h50min
- Date télé : 14 février 2021 22:25
- Chaîne : OCS City
- Date de sortie : 10 juillet 2019
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Résumé : Virginia Woolf et Vita Sackville-West se rencontrent en 1922. La première est une femme de lettres révolutionnaire, la deuxième une aristocrate mondaine. Quand leurs chemins se croisent, l’irrésistible Vita jette son dévolu sur la brillante et fragile Virginia. Commence une relation passionnelle qui fait fi des conventions sociales et de leurs mariages respectifs. La fascination que Virginia ressent pour Vita, l’abîme entre sa vie d’artiste et le faste de l’excentrique aristocrate donneront naissance à Orlando, une de ses œuvres maîtresses, bouleversante réflexion sur le genre et sur l’art.
Notre avis : Vita & Virginia de Chanya Button est un biopic étonnant, inspiré de la pièce d’Eileen Atkins, co-scénariste du film, qui s’appuie sur la correspondance foisonnante entre Virginia Woolf et Vita Sackville-West. Ces deux femmes de lettres du début XXe, ont entretenu une histoire d’amour passionnelle, malgré les mœurs de l’époque et leurs mariages respectifs. Tout le génie de Vita est dans sa vie et celui de Virginia dans son œuvre ; toutes deux en sont conscientes et sont fascinées par cette différence qui les attire et les nourrit. Dès la scène d’ouverture, nous assistons à une émission radio diffusée par BBC, où un échange dynamique et audacieux s’opère entre l’aristocrate Vita et son mari Harold Nicolson, qui donne une tonalité moderne et intrépide au second film de la réalisatrice britannique. Ce début poignant laisse place à une succession de scènes courtes, qui contiennent des enchaînements de répliques profondes et abstraites, directement tirées de la correspondance. À différents moments charnières, on aimerait mettre le film sur pause, faire un retour en arrière, afin de saisir l’intensité des propos énoncés. À la place, on survole l’histoire d’amour, sans entrer dans ses arcanes. Cette relation sentimentale est le vecteur pour comprendre le fonctionnement mental de Virginia, à la fois agité et léthargique et qui suscite chez l’écrivain une créativité sans borne, au point d’engendrer l’écriture d’Orlando (1928).
De sa liaison avec Vita, sa muse, naît une obsession, naît une folie. Pour transposer le déséquilibre mental de Virginia, qui se matérialise entre autres par des crises d’angoisse hallucinogène, la réalisatrice Chanya Button a pris le parti-pris de représenter la maladie par des “visions assez surréalistes, un peu à la manière du réalisme magique”, explique-t-elle dans le dossier de presse. Plusieurs images de synthèse créées par ordinateur sont ainsi insérées dans les prises de vues réelles, où l’on voit des vignes exotiques croître de manière exponentielle ou encore un essaim de corbeaux s’abattre sur Virginia. Ces scènes tentent de nous faire entrer dans l’esprit de l’auteure, mais nous restons de marbre, car les aspects techniques prennent le dessus sur l’histoire. Ses hallucinations, Virginia en fait part à son amante, à travers leurs correspondances. Elle y confie ses craintes sur sa potentielle rechute dans la folie. Son angoisse n’est pas apaisée par ses proches, dont on voit l’impuissance lorsque ses tourments l’envahissent et que ses paroles même disparaissent.
Copyright Pyramide Distribution
Les dialogues tirés de la réelle correspondance posent aussi le problème du rendu naturel dans le jeu des actrices principales, qui, malgré tout, ont réussi à donner une crédibilité à leurs personnages. Élégante, charmante et aristocratique Vita (Elizabeth Debicki) a pour habitude de séduire soit le mari, soit la femme, provoquant plusieurs divorces (entre autres, celui de Geoffrey Scott et de Violet Tréfusis, sa précédente amante). Dans cette fiction, elle rencontre durant une soirée, Virginia Woolf interprétée par Gemma Arterton, qui s’approprie à merveille son rôle de virtuose de la littérature. Sa démarche raide et traînante, son sourire fugace et conscient, son regard dépressif et piteux, sont autant de détails révélateurs de son talent d’actrice. Son interprétation n’a rien à envier à deux femmes connues pour avoir représenté la figure complexe de Virginia Woolf : Eileen Atkins dans l’émission télévisée A Room of One’s Own (1991) et dans sa pièce de théâtre Vita & Virginia (1992), ainsi que Nicole Kidman qui avait obtenu un Oscar pour The Hours (2002) de Stephen Daldry.
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Bien que le jeu de Gemma Arterton (Virginia) et Elizabeth Debicki (Vita) soit remarquable, il est bridé par la succession incessante des scènes qui décrivent des émotions, celles-ci n’arrivant pas à transpercer l’écran. Ce déroulement provoque un sentiment de langueur cinématographique involontaire. Le film n’arrive pas à décoller, malgré les tentatives de rebondissements. À trop vouloir décrire les intentions et motivations des deux personnages éponymes, Chanya Button réalise un film qui n’entre jamais dans les détails du lien. Une problématique profonde manque à ce long métrage, alors que la relation entre les deux femmes historiques est propice aux approfondissements comme le lien pathologique, voire malsain dans le rapport mère-fille. D’une part, Virginia voyait en Vita une mère vigoureuse, sur qui elle pourrait compter. D’autre part, Vita trouvait une enfant qui aurait besoin d’elle. Mais le film de Chanya Button n’explique pas comment deux femmes aussi différentes ont pu tomber amoureuses l’une de l’autre. On assiste seulement aux différentes étapes qui mènent à la séduction de Virginia par la déterminante Vita, qui fond telle une prédatrice vers sa proie.
Ce film descriptif et esthétique s’appuie sur les images qui sont travaillées : ainsi, les gros plans sur une partie du corps, tels que l’œil abattu de Virginia ou la bouche rougeoyante de Vita, confèrent de la sensualité à l’image. Ce cadrage apporte toute l’intimité nécessaire lors des échanges épistolaires entre les deux femmes, où chaque mot à son importance. Les multiples enregistrements en “regards-caméras” renforcent le rapport privilégié personnage-spectateur, mais sa répétition tout au long du film provoque une sensation de redondance. Le film s’appuie fortement sur les nombreuses lettres échangées entre les deux au fil des années, insistant plus sur le temps passé séparément que sur les moments vécus en commun. Ainsi, la relation passionnelle ne fonctionne pas, car les scènes en couple sont peu nombreuses.
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Enfin, désireuse de produire un biopic original et moderne sur une période révolue, Button insère une musique contemporaine, avec une partition électronique composée par Isobel Waller-Bridge. Ce choix audacieux marche pour les scènes de tensions sexuelles, mais le reste du temps, cet anachronisme nous fait sortir de l’œuvre. Le rythme EDM (Electronic Dance Music) ébranle toute crédibilité que le film aurait pu avoir autrement. Les surplus cinématographiques (partition électronique et images de synthèse entre autres) prennent le dessus sur l’histoire d’amour lesbienne et ôtent une partie de sa crédibilité au film.
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