Beau cauchemar
Le 23 novembre 2024
Mû par une croyance extrême en un cinéma radical, un requiem sublime qui joue de sa lenteur jusqu’à l’étrangeté.
- Réalisateur : Fabrice Du Welz
- Acteurs : Emmanuelle Béart, Rufus Sewell, Julie Dreyfus
- Genre : Drame, Fantastique, Thriller, Épouvante-horreur
- Nationalité : Britannique, Français, Belge, Australien
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 1er octobre 2008
Résumé : Les derniers battements de cœur d’un couple franco-britannique (Emmanuelle Béart et Rufus Sewell) dont le fils a disparu lors du raz-de-marée. Restés à Phuket plusieurs mois après le drame, les parents croient reconnaître leur progéniture dans une vidéo sur les conséquences du phénomène lors d’un dîner de charité. Ils s’embarquent alors dans une quête désespérée dans la jungle birmane en compagnie d’un guide mystérieux. Là-bas, des enfants mystérieux (les mêmes que nous voyions rapidement dans les bois de CALVAIRE ?) attendent...
Critique : On le soupçonne vite : Vinyan ne sera pas comme les autres films. Quelques plans (le générique où sourd le traumatisme du tsunami ; Béart qui sort de l’eau le regard triste, la démarche alanguie ; le tumulte urbain thaïlandais) ; et, c’est l’électrochoc. Un de ces électrochocs qui crée un nouveau type d’environnement sensoriel. Après Calvaire, son premier long métrage, sorte de cauchemar rougeoyant où un pauvre mec ravivait le désir mort dans un village de plaies d’amour, Fabrice Du Welz revient avec une odyssée rédemptrice qui s’impose avant tout comme une nouvelle variation autour du deuil. Une nouvelle fois, deux mondes - qui ne se connaissent pas et ne se comprennent pas - se heurtent (ici, l’Orient et l’Occident). Une nouvelle fois, la cristallisation pousse un personnage abîmé à voir celle/celui qui manque chez un autre. Mais, contrairement à ce qui se produisait dans Calvaire, Du Welz laisse tomber l’humour potache qui servait d’habit poli au désespoir. Avec encore plus de détermination, son univers liquide les repères habituels et propose un mélange de frayeur sourde et d’émotion esthétique. D’un bout à l’autre, on redoute ce qui peut surgir au détour du plan suivant parce qu’il figure toujours une démesure qui va se renforcer par la suite et aussi parce que l’impact violent des situations sur les personnages révèle les sortilèges démoniaques d’une doublure du monde invisible.
- © The Film / Marcel Hartmann
Cette forme poétique, qui réclame à ce que l’on vienne à elle, trouve dans Vinyan toute sa quintescence. Elle rend compte des mouvements de deux âmes en péril (une mère qui refuse le deuil, un père qui ne veut pas perdre sa femme) et donne à ressentir cette présence incroyable des choses qui nous dévastent, nous dépassent et nous portent. Si on n’est pas sensible à ces errements (et après tout, pourquoi pas ?), alors tant pis. Les autres auront juste la sensation de communiquer avec les anges. Au bord de l’évanouissement, Emmanuelle Béart et Rufus Sewell, tous les deux prodigieux, suivent ce fil ténu dans un état de fièvre de plus en plus proche de la transe, en étant eux-mêmes infectés par la torpeur de l’atmosphère. Tour à tour, leurs corps se contractent, se relâchent.
- © The Film / Marcel Hartmann
La mort est là, suspendue à un dernier souffle. Comme si leurs personnages devenaient à leur tour des fantômes qui les contaminaient. Ils sont toujours à deux doigts de tomber au fond d’un trou noir. Et nous avec eux. Lui aussi gangrené par la tropicale maladie, Du Welz organise des images somptueuses qui trahissent une fureur tranquille et imposent au spectateur de pénétrer une bulle de ressassement. La dernière demi-heure, qui correspond à l’arrivée du couple dans un jardin d’éden, prend des allures de rêve éveillé. Un tourbillon vertigineux et cathartique, digne de Paradjanov en son temps, où plus personne n’a d’emprise, où chacun exorcise ses propres angoisses. Ce n’est plus un calvaire, c’est un éblouissement.
– Festival de Toronto - Compétition officielle
– Festival de Venise - Hors compétition
Galerie photos
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Frédéric Mignard 8 octobre 2008
Vinyan - Fabrice Du Welz - critique
Un film crépusculaire à la thématique cauchemardesque assez proche d’Apoclypse Now et d’Aguirre. Béart brille face à la caméra d’un cinéaste en extase. Un bien beau cauchemar, effectivement.
Adriatika 19 mai 2009
Vinyan - Fabrice Du Welz - critique
Vu en blueray.
L’image est superbe et certaines scènes composent une forme de poésie cauchemardesque. Malheureusement, Le scénario adopte un point de vue qui relève d’avantage de la psychose ou du rêve éveillé que de la subtilité narrative. Il en résulte que loin d’être une "odyssée rédemptrice", comme écrit par le critique de ce site, ce film s’enfonce tout entier dans la folie. Cela pourrait coller à une Emmanuelle Beart surjouant, comme à son habitude, mais la multiplication de procédés éliptiques fait qu’on a rapidement le sentiment douloureux d’être manipulé par un apprenti réalisateur lui même débordé par son sujet.
Le parti-pris d’un traitement fantastique n’autorise pas toutes les maladresses d’une succession lassante de scènes insensées ou au contraire surchargées d’affect et de symbolisme.
Reste de belles images, de bonnes idées (la scène du riz est particulièrement intéressante et pourrait venir de Béart) qui feront sans doute de Vinian un film culte, comme tous les ratages grandioses.