L’enfer
Le 14 décembre 2010
Une œuvre épique, fraternelle et humaniste d’une force exceptionnelle.
- Réalisateur : Léon Poirier
- Acteurs : Albert Préjean, Antonin Artaud, Suzanne Bianchetti, Jeanne Marie-Laurent, Hans Brausewetter
- Genre : Historique, Film de guerre, Film muet
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Carlotta Films, Cinémathèque de Toulouse
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– Durée : 2h31mn
1928. Pour commémorer la fin de la Grande Guerre, Léon Poirier retrace la bataille de Verdun, emblématique du conflit. Une œuvre épique, fraternelle et humaniste d’une force exceptionnelle.
L’argument : Les troupes allemandes sont aux portes de la Meuse. L’alerte est donnée. Le soldat français attend le choc avec calme. Tous les villages sont évacués, la femme est arrachée au mari qui reste pour défendre la terre que le vieux paysan refuse de quitter. L’assaut allemand se produit le 21 février 1916. Précédées d’un bombardement inouï qui dure de 7h15 à 17h00, les vagues allemandes s’élancent sur le bois des Caures. Mais les 1800 chasseurs du lieutenant-colonel Driant sont à leur poste. Fusils et mitrailleuses sèment la mort dans les rangs des Allemands qui s’avancent en bataillons serrés, pensant progresser l’arme à la bretelle...
Notre avis : Sortie de circonstance, en ces temps de commémorations de l’une des batailles les plus célèbres de la Première Guerre mondiale, que celle de ce film de Léon Poirier. Sortie plus que justifiée, au vu du film, remarquable par bien des aspects. Réalisée pour les dix ans de la fin du terrible conflit, Verdun, visions d’Histoire fait date dans l’histoire du septième art comme dans celle des représentations de la Grande Guerre.
En effet, avant 1928, ce sont essentiellement les images officielles présentées aux actualités, tournées par l’armée, qui avaient été offertes aux spectateurs. Or elles ne donnaient qu’une vision partielle des faits, les combats n’étant filmés que de loin, pour des raisons d’ailleurs bien compréhensibles. Poirier, s’appuyant sur le témoignage des acteurs directs du conflit (de nombreux anciens poilus jouent d’ailleurs dans le film) a pour ambition de montrer ce qui n’a pu l’être. L’un des aspect les plus stupéfiants de son film tient dans la reconstitution de ces combats, qui donne au film une dimension épique d’une très grande force [1]. Cela participe de l’aspect didactique de l’œuvre, dont l’une des ambitions est de retracer les faits. La reproduction de documents officiels, la présence de nombreuses cartes, l’insertion d’images d’archives et même la présence de scènes qu’il fait rejouer à de célèbres protagonistes (il demande à Pétain de descendre les marches de son Q.G. pour sa caméra), le choix de personnages emblématiques (jamais au détriment de l’ensemble des troupes) lui permet d’atteindre totalement ce but.
Mais Verdun, visions d’Histoire est plus qu’un remarquable film d’information. Car Poirier s’engage et défend des thèses politiques. S’interrogeant sur les responsabilités du conflit, il l’impute aux Hohenzollern et plus précisément à l’empereur Guillaume II, souverain dépassé qui tyrannise son peuple. On est donc à des années lumière de l’immonde propagande contre le "Boche" sauvage (à la fois assassin, violeur voire cannibale) qui s’est déchaînée pendant le conflit (le niveau ne volait d’ailleurs pas plus haut outre-Rhin). Car Poirier livre également une œuvre profondément humaniste, célébration de la fraternité dans laquelle soldats français et allemands sont bel et bien embarqués dans la même terrible et douloureuse galère. En témoigne une superbe scène qui voit mourir presque côte à côte deux soldats du bord opposé, recueillis par leurs mères respectives, dont le corps se confond sur un même brancard qu’elles portent ensemble, unies dans un même chagrin.
Dédié "à tous les martyrs de la plus affreuse des passions humaines, la guerre", Verdun, visions d’Histoire est une œuvre exceptionnelle. Avoir l’opportunité de la découvrir grâce à cette édition [2] est une excellente nouvelle.
LE DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Le film bénéficie d’une édition soignée (que la piètre réussite du visuel de l’emballage ne laisse pas présager). Il est livré avec une reproduction très intéressante du dossier de presse de l’époque. Trois documentaires viennent le compléter. Le premier contient de précieuses explications à la fois sur le contexte de réalisation et de sortie de l’œuvre à l’époque et sur la restauration de la copie présentée (retrouvée dans le fond russe et confiée à la Cinémathèque de Toulouse). Le deuxième compile une série d’entretiens avec des intervenants (musicien, historien, responsables de la Cinémathèque de Toulouse, ami de Poirier...) qui réagissent sur l’œuvre. Enfin, un document d’époque (1916, donc) sur la contre-offensive française, réalisé avec des images tournées par l’armée, offre un excellent contrepoint .
Image & son : Gros travail de restauration, détaillé dans les films cités précédemment. Le résultat est tout à fait satisfaisant, une excellente qualité d’image étant impossible à obtenir pour des œuvres aussi anciennes. La bande-son est admirable puisqu’elle présente une interprétation actuelle (par le pianiste Hakim Bentchouala-Golobitch) de la partition originale d’André Petiot.
[1] Ces scènes seront d’ailleurs utilisées par de nombreux documentaristes, qui ne préciseront pas toujours qu’elles sont reconstituées. Cela pose bien évidemment un grave problème éthique, mais rend également hommage aux qualités du film
[2] La première de la Cinémathèque de Toulouse, qui inaugure ainsi en partenariat avec Carlotta une collection dont le but est de faire connaître au grand public la richesse de ses archives. Initiative à saluer, tant il est vrai que les films ne vivent que s’ils peuvent être vus
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