Le 22 mars 2018
Humour et humanité se conjuguent pour dénoncer les absurdités d’un système économique mondial qui broie les individus.
- Réalisateur : Walid Mattar
- Acteurs : Kacey Mottet-Klein, Corinne Masiero, Philippe Rebbot, Mohamed Amine Hamzaoui
- Genre : Drame social
- Nationalité : Français, Belge, Tunisien
- Distributeur : KMBO
- Durée : 1h29mn
- Date de sortie : 28 mars 2018
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Résumé : Nord de la France. L’usine d’Hervé est délocalisée. Il est le seul ouvrier à s’y résigner car il poursuit un autre destin : devenir pêcheur et transmettre cette passion à son fils. Banlieue de Tunis. L’usine est relocalisée. Foued, au chômage, pense y trouver le moyen de soigner sa mère, et surtout de séduire la fille qu’il aime. Les trajectoires de Hervé et Foued se ressemblent et se répondent.
Notre avis : Le sujet douloureusement actuel des délocalisations économiques n’en finit pas d’inspirer le cinéma français. Après le fantasque Crash test Aglaé d’Eric Gravel, puis le pudique Prendre le large de Gaël Morel, le réalisateur franco-tunisien Walid Mattar s’empare du sujet pour son premier long-métrage et, sur fond de casse sociale, fait la part belle à l’humain dans sa globalité, loin des frontières géopolitiques censées le diviser. Né dans la banlieue de Tunis en bord de mer, Walid Mattar grandit en regardant les habitants vivre au rythme des marées. Les hommes se retrouvent au café, les femmes s’activent derrière leurs fourneaux et les amoureux se donnent rendez-vous en cachette à la plage. Une vie simple où les perspectives sont réduites, les rêves simples et où l’argent fait toujours défaut. Devenu adulte, il s’installe en France, à Wimereux, petite ville côtière des Hauts-de-France proche de Boulogne-sur-Mer où il constate que modes de vie et difficultés sont les mêmes que dans son pays. Il prend alors conscience que ces deux mondes que l’on se plaît à nous dépeindre comme opposés sont finalement reliés par de nombreux points communs, le principal étant celui de la volonté de se construire un avenir meilleur dans une société où la mondialisation et ses conséquences sociales font rage.
- Copyright Barney Prod/Propaganda Prod/Helicotrone
Bénéficiant d’un scénario bien organisé (où l’on retrouve la patte sensible de Leyla Bouzid, scénariste et réalisatrice d’A peine, j’ouvre les yeux ) autour d’allers et retours savamment mesurés entre le parcours disloqué de ces deux ouvriers, la narration tisse la trame de deux sociétés qui finissent par se confondre dans les mêmes espoirs brisés, sans que jamais les protagonistes ne se rencontrent si ce n’est de manière symbolique à travers cette scène où Hervé et sa femme Véronique, en vacances en Tunisie, croisent le chemin de Foued à travers les vitres d’un tram.
Hervé travaille depuis toujours dans une usine de fabrication de chaussures. D’un naturel peu combatif, face au licenciement, il accepte la prime que la direction lui propose se faisant huer par ses collègues qui ne jurent que par blocages et rébellions.
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Passionné de pêche, il nourrit depuis longtemps l’idée de partir en mer et profite de cet argent pour s’offrir un bateau. Il pense qu’une nouvelle vie s’ouvre enfin à lui, parvient même à convaincre son fils de le suivre dans cette aventure. Il est tout prêt à se conformer à toutes les obligations et formations nécessaires pour entamer une reconversion heureuse mais il se heurte à une administration tatillonne et improductive qui l’empêche de mener à bien ses projets. A quelques milliers de kilomètres de là, Foued trouve du travail grâce à ces machines qui s’installent prés de chez lui et reprend espoir de pouvoir faire soigner sa mère malade et stabiliser son idylle naissante avec la belle Karima. Confronté à un Etat totalement démissionnaire qui ne lui permet pas de bénéficier des prestations sociales liées à son statut de salarié, il déchante bien vite. Trop de règles d’un côté, pas assez de l’autre mais dans les deux cas, des logiques bureaucratiques floues et absurdes qui ne laissent à nos deux héros aucune chance de faire face aux difficultés et de trouver leur place.
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Si le sujet s’avère grave et douloureux, l’interprétation du couple Rebbot/Masiero, catapulté cette fois au premier rang, contrebalance de leur humour teinté d’une bonne note d’humanisme l’injustice de situations ubuesques. Capables d’une sobriété dont ils n’avaient jusqu’à présent que rarement fait preuve, ils évitent à leurs personnages l’écueil du misérabilisme, préférant les faire briller de mille facettes attachantes. La famille qu’il forme avec la jeune valeur montante du cinéma français (Kacy Mottet-Klein impeccable dans le rôle de Vincent, leur fils) ne souffre d’aucune faiblesse d’authenticité. Quant à Mohamed Amine Hamzaoui (Foued), il vient d’annoncer qu’il mettait fin à sa carrière de rappeur. Nul doute qu’après cette excellente prestation, le cinéma saura lui ouvrir les bras à la mesure de son talent.
Au delà du message politique qu’il délivre, ce Vent du Nord apporte un souffle d’émotion et d’espoir basé sur l’échange des valeurs et la libre circulation des personnes.
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