Le 3 septembre 2024
Profusion d’idées, confusion de l’esprit : c’est le prix à payer face à cet étrange film mental, plus frustrant que stimulant, mais doté d’un charme fou.
- Réalisateur : Timm Kröger
- Acteurs : Gottfried Breitfuss, David Bennent, Hanns Zischler, Olivia Ross, Jan Bülow
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Allemand, Autrichien, Suisse
- Distributeur : UFO Distribution
- Durée : 1h58mn
- Date télé : 30 septembre 2024 22:48
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Titre original : Die Theorie von Allem
- Date de sortie : 21 février 2024
- Festival : Festival de Venise 2023
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Résumé : 1962 : lors d’un congrès de physique dans les Alpes suisses, le jeune Johannes défend une théorie sur l’existence de mondes parallèles. Mais personne n’y croit, pas même son tuteur. Les mystères s’accumulent pourtant : une curieuse formation nuageuse dans le ciel, la présence fantomatique de Karin, cette jeune pianiste qui l’obsède et semble tout savoir de lui… Et ces personnes victimes d’accidents étranges dans la montagne ? Le réel semble bien fragile en ce lieu.
Critique : À la Mostra de Venise, personne ne l’avait vu venir, mais son étrange scénario poético-quantique a vite fait parler de lui. Plaqué sur un noir et blanc dont les lumières de neige confèrent à l’image un nappage d’argent, Universal Theory est un étrange objet de cinéma, d’une rare ambition.
L’alliage, déroutant au premier abord, de sciences, de film néo-noir, de thriller et d’histoire d’amour dans les Hautes Alpes Suisses, donne à voir une œuvre à la forte inspiration expressionniste, mais que l’avalanche d’idées formelles et thématiques finit par happer dans un discours souvent abscons sur la résurgence des fantômes et de l’Histoire.
Armé d’une musique symphonique insistante (une sorte de clin d’œil néo-herrmannien), le film commence comme un hommage protéiforme : Lang et Hitchcock tout à la fois, sous la tutelle d’une référence à La Montagne magique. Le congrès confiné dans les blancheurs suspendues, mettant en scène l’invisible, génère une impossible relecture du roman de Thomas Mann, dans cet espace entre deux mondes, à la recherche d’une lumière et d’une forme amoureuse.
- Copyright Neue Visionen Filmverleih
En fait, il n’y a pas tant de Thomas Mann et de l’effondrement d’un monde qu’il y a un film sur la recherche de soi et sur les spectres d’un nazisme qui n’a encore pas bien fondu sous le soleil de l’Allemagne et de la Suisse de 1962. La force du récit, sans aucun doute, est de mêler à cette masse de références cinématographiques la part d’ombre de l’Histoire comme vecteur de tragédies et d’énigmes, où tout signe et tout geste font complot, à l’écart du monde industriel et de la guerre froide qui se joue par-delà les montagnes. Fort de ce scénario, le film déploie un nombre impressionnant de pistes scénaristiques et de temporalités comme autant de trames, que Timm Kröger s’évertue à faire glisser les unes sur les autres, fondre l’une vers l’autre, jusqu’à ce qu’on y perde tous nos repères. Petit à petit, le sens se couvre de neige.
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Malgré ce jeu impossible sur les réalités, les univers et les espaces-temps, la physique quantique devient vite un procédé labyrinthique qui perd le spectateur en ses méandres ; à moins d’en connaître les tenants et aboutissants, le cinéaste s’en sert pour semer une profusion de chemins et d’alternatives à son récit, jusqu’à s’amuser à en perdre le fil. En tirant cette aventure en longueur, Universal Theory finit par générer une frustration sur le visible et l’invisible. C’est que les mystérieuses radiations cachées dans la grotte ont beaucoup à voir avec le cinéma et le montage dans l’espace-temps : mais plutôt que d’ouvrir aux émotions sa boîte de Pandore, le film cherche à calculer dans de sinueuses équations stylistiques et cérébrales ce que le sublime et le surnaturel ont en commun avec l’art du cinématographe. En découle une recherche par trop théorique, n’assumant pas complètement l’émerveillement qu’il contient en puissance - celle d’un secret magnifique qui vibre derrière la roche.
Il faudra attendre une longue et somptueuse fin littéraire narrant les potentialités de la vie pour comprendre que le film ne parlait que d’un homme qui est passé à côté de sa vie. Les chimères de l’énigme amoureuse, au lieu d’être vécues, ont été vainement mesurées, quantifiées, conceptualisées, et l’être aimé - à la fois enfant, jeune fille et amante - a attendu dans une solitude sans fin ; comme dans une autre vie, dans un autre film. C’est dans cette poignante vision du temps radioactif que le film déploie enfin une véritable dimension romanesque, à la hauteur des étranges destins qui s’y jouent.
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