Le 6 mai 2024
Procès d’une homosexualité féminine ? Procès d’un hermaphrodisme ? Dans tous les cas, Un jour fille rappelle que la question des identités genrées secoue les consciences depuis longtemps. Un film important et magnifiquement mis en scène.
- Réalisateur : Jean-Claude Monod
- Acteurs : François Berléand, Isild Le Besco, André Marcon, Yannick Renier, François Chattot, Thibault de Montalembert, Thomas Scimeca, Sarah Le Picard, Iris Bry, Marie Toscan
- Genre : LGBTQIA+, Film de procès, Drame historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : KapFilms
- Durée : 1h33mn
- Date de sortie : 8 mai 2024
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Résumé : XVIIIe siècle. Anne, grandie fille, doit « changer d’habit » en raison de son attirance pour les femmes. Devenue homme, il se marie, et vit une grande histoire d’amour avec sa nouvelle épouse jusqu’à ce que son passé le rattrape...L’histoire vraie et bouleversante d’Anne Grandjean née intersexe, et de son procès retentissant, qui interroge encore aujourd’hui toutes nos certitudes...
Critique : Jean-Claude Monod est un cinéaste rare, plus connu pour ses écrits philosophiques et les alertes politiques qu’il a lancées que ses courts-métrages. Il arrive sur les écrans avec une œuvre très travaillée qui reconstitue le destin terrible de cette Anne Grandjean, condamnée à la fin du XVIIIe siècle à renoncer à son mariage après avoir échappé au pire en première instance de son procès. Il n’y a pas de hasard dans le fait que le réalisateur s’intéresse à cette période très féconde en matière philosophique avec les fameuses Lumières de la pensée, là où paradoxalement l’homosexualité, l’hermaphrodisme étaient sévèrement réprimés, jusque la peine de mort pour certains. En ce sens, Un jour fille est un film très actuel, très contemporain dans ses intentions, dans une période où jamais la question des identités sociales, culturelles ou sexuelles n’a été autant présente au cœur des débats. Le film restitue l’existence d’une jeune femme, chassée d’un couvent à cause de ses anomalies génitales, et encouragée par un prêtre à renoncer à sa féminité et endosser les habits et l’identité d’un homme. En vérité, Anne aime les femmes, et l’appendice dont la nature l’a dotée n’a pas grand-chose à voir avec ses émois amoureux. Elle naît dans une société rigide, paralysée par la morale religieuse, en dépit de discours philosophiques nouveaux, sans doute d’ailleurs très peu accessibles aux couches moyennes et populaires de la société française.
- Copyright KapFilms
Jean-Claude Monod dresse un film très habité d’éthique et de philosophie morale tout en valorisant le parcours proprement romanesque d’Anne Grandjean. La jeune femme fait montre d’une détermination au bonheur extraordinaire, tout en tentant de faire avec ce qu’on appelle aujourd’hui l’intersexualité. Elle refuse les discours politiques sur le sujet, son ambition principale étant de vivre son amour pour son épouse et gagner dignement sa vie en tant que couturière. Malgré elle, elle devient Jean-Baptiste Grandjean, ce qui lui donne le droit au mariage. Le nouvel homme s’adonne au théâtre, où il découvre les œuvres de Marivaux entre autres, qui valorisaient déjà le travestissement.
Un jour fille révèle sur les écrans une comédienne assez incroyable, Marie Toscan. Elle n’en rajoute jamais dans les postures sexuées. Elle assume sa féminité dans les habits d’un homme tout en composant avec une certaine masculinité le personnage d’Anne. Elle brille d’un bout à l’autre dans ce portrait complexe, sans jamais abuser des sanglots ou forcer l’émotion. Les costumes, très simples, concourent à un jeu sobre. On perçoit évidemment une certaine économie des moyens par rapport à des productions de cette envergure, mais l’écriture, le jeu des acteurs et les décors surpassent aisément les éventuelles carences financières. Jean-Claude Monod offre une œuvre de cinéma ambitieuse, généreuse, qui se veut évidemment universelle et atemporelle.
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Un jour fille est un film important qui pose en acte les problématiques de l’identité sexuelle sans s’encombrer de discours lénifiants ou d’attitudes emphatiques. Le destin tragique d’Anne Grandjean rappelle avec force que le moralisme n’est jamais loin dans la façon dont une société aborde la question de la différence. Plus que jamais, le long-métrage nous enjoint de nous plonger dans les lectures de Voltaire, Montesquieu ou, plus en amont, les pièces de Molière ou Marivaux qui, déjà en leur temps, posaient avec force la question sensible des genres et des libertés publiques.
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