Le 21 avril 2024
L’écartèlement d’un adolescent entre les référents culturels traditionnels et les codes de sa génération est traité avec une mise en scène sincère et courageuse mais un peu linéaire.
- Réalisateur : Lkhagvadulam Purev-Ochir
- Acteurs : Tergel Bold-Erdene, Nomin-Erdene Ariunbyamba
- Genre : Drame, Romance, Teen movie
- Nationalité : Français, Allemand, Portugais, Mongol
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h43mn
- Titre original : Ser Ser Salhi
- Date de sortie : 24 avril 2024
- Festival : Festival de Venise 2023
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Résumé : Ze a dix-sept ans et il est chaman. Il étudie dur pour réussir sa vie, tout en communiant avec l’esprit de ses ancêtres pour afin d’aider les membres de sa communauté à Oulan-Bator. Mais lorsque Ze rencontre la jeune Marla, son pouvoir flanche pour la première fois et une autre réalité apparaît.
Critique : Ze a dix-sept ans. Quand il n’est pas à l’école, il va à la rencontre des familles de la capitale Oulan-Bator pour les mettre en lien avec les esprits et les accompagner dans leur avenir. Tout y passe : des inquiétudes sur la santé, la perte d’emploi d’un fils etc. Ze y croit, affublé d’un costume traditionnel, muni d’un tambour, qui lui permet de tomber en transe et de dialoguer avec des êtres disparus. Il n’est pas le seul à y croire car les demandes sont nombreuses, ce qui d’ailleurs lui assure un revenu régulier pour financer ses études, même s’il s’en défend. Un jeune Chaman met ainsi en opposition deux conceptions du monde : l’une plus universaliste, sous couvert de mondialisation et de capitalisme ; l’autre ancrée dans les traditions ancestrales. Le jeune homme se trouve donc écartelé entre ces deux visions de la société, dans un pays, la Mongolie, aspiré par le désir d’émancipation culturelle et économique. On a récemment vu sur nos écrans Si seulement je pouvais hiberner qui exposait avec brio la bataille d’un fils pour faire face à l’alcoolisme de la mère et chauffer la yourte où il vivait en famille. Le propos ici est plus sage, plus lisse, moins dramatique. La réalisatrice, Lkhagvadulam Purev-Ochir, privilégie une entrée moins sociale que romanesque à travers la relation d’amour qui se noue entre l’adolescent et une jeune fille qu’il a justement accompagnée avant une opération du cœur.
Le cinéma mongole et en particulier le long-métrage reviennent souvent sur les problématiques qui minent le pays, à commencer la pauvreté qui gangrène les populations, le froid contraignant les familles à recourir au charbon cher, ainsi que l’alcoolisme qui détruit les familles. Si Lkhagvadulam Purev-Ochir ne se départit pas de ces questions, la mise en scène se veut traditionnelle. La photographie est très nette, jolie, les costumes sont très beaux, faisant abstraction d’une situation économique dégradée. En ce sens, la cinéaste ne poursuit absolument pas une dénonciation des conditions de vie des Mongols, privilégiant histoire d’amour entre deux adolescents qui tentent de se libérer du poids des traditions. À la limite, ce type de récit est assez universel, chaque nouvelle génération cherchant toujours à faire évoluer les référentiels culturels, puis, la plupart du temps, à l’entrée dans l’âge adulte, se ressaisissant parfois même avec un certain radicalisme des traditions anciennes.
- Copyright AURORA FILMS/GURU MEDIA/UMA PEDRA NO SAPATO/VOLYA FILMS/2023
Un jeune chaman traite avec une certaine pudeur l’importance de la spiritualité pour se construire une identité personnelle. La réalisatrice critique un système éducatif sévère, réactionnaire, où les adultes utilisent l’humiliation pour faire passer leurs enseignements et gérer le silence dans la classe. Les adolescents font la démonstration d’une forme de conformisme, même si l’on pressent peu à peu l’opposition qui monte au sein du lycée. La réalisatrice exerce le métier d’enseignante. Elle connaît donc bien les rouages d’un dispositif éducatif obsédé par la soumission au cadre et à l’autorité. Dénonce-t-elle un régime politique qui tente depuis quelques années de faire valoir un régime souverainiste, uniformisé, empreint du marché libéral, au mépris du nomadisme et du régionalisme qui constituent pourtant la marque identitaire de l’immense pays ? Un jeune chaman n’a apparemment pas vocation à porter un point de vue politique. La réalisation très soignée revendique une certaine sagesse, démontrant d’ailleurs une grande connaissance de la technique cinématographique.
Il faut souligner le vœux de la réalisatrice à faire porter le progrès de la Mongolie à travers le regard féminin. La jeune Marla dont Ze tombe amoureux ne croit pas, a contrario de ses parents, en ces séances de chamanisme. Elle est campée dans une vision libérale de la société, sans pour autant mépriser les croyances de sa famille. Elle opte pour une existence fondée sur la liberté de pensée, et un certain consumérisme économique. Elle aspire à quitter son quotidien pour accéder à des études supérieures ambitieuses, là où Ze ne parvient pas totalement à se départir de ses racines traditionnelles. C’est une jeune fille moderne qui se plaît à danser en discothèque, courtiser des garçons, et se rêver dans un ailleurs.
- Copyright AURORA FILMS/GURU MEDIA/UMA PEDRA NO SAPATO/VOLYA FILMS/2023
Un jeune chaman demeure un joli film, certes un peu académique et peu novateur. La réalisatrice ne recherche pas à mobiliser les émotions de ses spectateurs. Cela rend le long métrage un peu trop convenu, prévisible, là où elle avait un projet pourtant d’une grande actualité. On ressort conforté que le monde évoluera par l’intermédiaire des femmes, mais un peu déçu par la trop grande quiétude du propos.
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