Le 12 janvier 2025
Mélancolique et ensoleillé, ce roman offre une réflexion délicate sur les premières amours et sur la maternité, des parallèles littéraires se cachant sous sa surface comme le titre français le laisse présager.


- Auteur : Ann Patchett
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Hélène Frappat
- Titre original : Tom Lake
- Date de sortie : 8 janvier 2025
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur

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Résumé : Au printemps 2020, les trois filles de Lara retournent au verger familial dans le Nord du Michigan. Tout en cueillant des cerises, elles supplient leur mère de leur raconter l’histoire de Peter Duke, un célèbre acteur avec lequel elle a partagé à la fois la scène et une idylle l’été de ses vingt-quatre ans. Tandis que Lara se remémore le passé, ses filles examinent leur propre vie, leur relation avec leur mère, et sont amenées à reconsidérer le monde et tout ce qu’elles croyaient savoir.
Critique : Une famille est confinée dans une cerisaie, faisant du théâtre le sujet de ces mois brûlants passés à ramasser les fruits avant qu’ils ne soient trop mûrs. La silhouette d’Anton Tchekhov se devine donc derrière les lignes, entre deux troncs d’arbres – le dramaturge russe inspire décidément ceux qui écrivent au sujet de la pandémie, comme Gary Shteyngart avant Ann Patchett –, mais c’est surtout Thornton Wilder qui hante le verger et ces pages. C’est sa pièce Notre petite ville qui a initié la carrière de comédienne de Lara, la mère qui veille sur la cerisaie et sur ses trois filles, revenues pour échapper à la ville, aux rues désertes et aux appartements trop étroits. Pour occuper leurs journées et leur esprit tandis que les mains travaillent, rougies par les cerises, Lara raconte son passage éclair sur les planches, les moments passés en Californie, à Tom Lake, dans le Michigan, puis la fin aussi subite que l’ascension, choisie et définitive. Son récit enveloppe ses filles autant que le lecteur, substituant à cet été un autre été marqué par la présence de Peter Duke, un acteur désormais célèbre qu’elle a fréquenté et aimé avec la passion propre aux premières amours.
Derrière le récit d’une romance ensoleillée et trahie, des représentations entrecoupées de baignades dans un lac délicieux, Ann Patchett dissimule donc un autre niveau de lecture, habillant d’un autre costume la trame de Notre petite ville dont elle reprend certains thèmes et certains motifs centraux. Elle parsème des indices, multiplie les parallèles discrets à destination des lecteurs qui creuseraient sous la surface, n’empêchant nullement une lecture plus superficielle, douce-amère, comme elle en a le secret. Les générations cohabitent, les caractères s’esquissent, la nature formant un écrin aux méditations que dissémine l’autrice américaine sur le couple, la nostalgie délétère qui imprègne pourtant ses pages, l’incidence de la fiction sur une vie. L’existence de Lara semble ainsi avoir accueilli en son sein la pièce de Thornton Wilder, l’avoir absorbée, sorte de démonstration de l’importance de la littérature qui façonne plus encore que le destin – hommage d’Ann Patchett à ce dramaturge qu’elle admire tant.
Ann Patchett - Un été à soi
Actes Sud
14.50 x 24.00 cm
320 pages
22,80 euros