Quitte ou double
Le 14 mars 2006
Être soi et un autre, quelle galère ! Un premier roman au masculin pluriel, plein de fantaisie et tout à fait séduisant.
- Auteur : Claire Wolniewicz
- Editeur : Viviane Hamy
- Genre : Roman & fiction
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Être soi et un autre, quelle galère ! Un premier roman au masculin pluriel, plein de fantaisie et tout à fait séduisant.
Être un autre. Qui n’a caressé fugacement ce fantasme ? L’idée pourtant n’a jamais effleuré Adam Volladier, jeune comptable de supermarché en région parisienne, menant une petite vie de petit vieux étriqué avant l’heure. Falot, presque transparent. La faute à des parents repliés sur eux-mêmes et qui l’ont éduqué à leur image, peu curieux des autres et du monde qui les entoure. Pourtant, un jour, un petit grain de sable s’introduit dans son misérable train-train. Adam, l’anonyme passe-muraille se met à ressembler à tout le monde. On le reconnaît dans la rue, on le salue amicalement, il est pris pour un dentiste, un acteur, un prof d’histoire, un joueur de tennis, etc. Tout d’abord pétrifié, puis vite grisé par la situation, Adam se met à devenir loquace, souriant, sympathique. En se prenant au jeu, en s’ouvrant aux autres, il s’ouvre à lui-même. Se découvre plein de possibilités enfouies qui ne demandent qu’à s’exprimer, timidement pour commencer, puis avec plus d’assurance. Jusqu’au funeste moment où, chrysalide devenue papillon, beau jeune homme assez sûr de lui mais qui conserve quelques séquelles de sa vie antérieure, être hybride en un mot, il finit par se piéger lui-même en endossant, à son insu, la personnalité d’un escroc. Dès lors, sa vie basculera car, ô effroyable surprise, il est censé être en possession d’un célèbre tableau dérobé au musée d’Orsay.
Sur cette trame peu commune et dont bien sûr nous n’allons pas dévoiler les rebondissements et la chute (surprenante), Claire Wolniewicz brode un premier roman insolite, qui frôle joliment le fantastique. La métamorphose d’Adam est racontée d’une manière un peu détachée, comme si elle l’écrivait du bout des lèvres, en petites phrase agiles qui, mine de rien, font mouche. Les descriptions des états d’âme de son héros, assis entre les deux chaises de ses deux personnalités, tiré à hue et à dia, provoquent le sourire du lecteur. Tout en se livrant à quelques apartés réjouissantes (sur sainte Rita par exemple) ou pleines de profondeur (sur la peinture), elle distille un suspense impeccable en construisant son scénario comme un mécanisme d’horlogerie, faisant s’emballer petit à petit la situation, à mesure que monte la température (c’est l’été de la canicule). Mais, surtout, elle se sert à merveille de son don aigu de l’observation pour retranscrire toutes sortes d’atmosphères. A ce titre, le début de son roman, l’enfance d’Adam, est à lui seul un petit chef-d’œuvre de pertinence et d’impertinence. On y découvre un bambin touchant à force d’obéissance et d’insignifiance, dont la grande révélation proviendra d’une boîte de peinture à l’huile. Qui bien sûr jouera un rôle central dans le pataquès autour du tableau volé, en effronté clin d’œil à l’acte créatif salvateur.
Imagination débridée, ton très personnel, voilà le premier roman d’une véritable raconteuse d’histoires qui, en nous entraînant dans les mésaventures de son risque-tout binaire, sort totalement des sentiers battus. Mais revient au galop vers le mythe. Jekyll et Hyde, nous le sommes tous plus ou mois, sans toujours nous l’avouer. Adam en revanche assumera sa double identité jusqu’au bout. Fortiche !
Claire Wolniewicz, Ubiquité, éd. Viviane Hamy, 2005, 142 pages, 15 €
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