Délicieusement flippant
Le 2 avril 2020
Sans opérer une révolution du genre - si tant est que cela soit encore possible - cette mini-série livre une histoire plutôt tordue en mêlant habilement ambiance teenager et moments d’angoisse pure.
- Réalisateur : Sujoy Ghosh
- Acteurs : Aarna Sharma, Palomi Ghosh, Purab Kohli, Samir Kochhar
- Nationalité : Indien
- : Netflix
- Durée : 5 épisode de 48 à 52 min
- Chaîne : NETFLIX
- Scénariste : Sujoy Ghosh
- Genre : Fantastique, Thriller
- Titre original : The Typewriter
- Date de sortie : 19 juillet 2019
- Plus d'informations : The Typewriter
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Résumé : À Goa, trois chasseurs de fantômes en herbe partent à l’exploration d’une vieille maison. Mais l’arrivée d’une nouvelle famille va réveiller les démons du passé.
Notre avis : Les histoires de maisons hantées et phénomènes paranormaux sont aussi vieilles que les frères Lumière. Allez, digression : en 1907, sort L’Hôtel hanté de James Stuart Blackton. Ce film comporte une scène flippante et époustouflante pour l’époque. On voit une table, avec tout pour un petit déjeuner et un fantôme totalement invisible, prendre le couteau, couper le pain, verser le café, ajouter des sucres et touiller avec la cuillère. Comment ce trucage a-t-il été fait ? Tout le monde cherche. C’est Émile Cohl de la Gaumont, qui trouve le « truc » : tout a été fait image par image. Certes, ce n’est pas la première fois, mais Cohl va développer ce procédé à l’extrême avec des dessins, des poupées, même des humains (pixilation), des publicités et une adaptation des Pieds nickelés. En 1936, quand Walt Disney reçoit la Légion d’honneur, il déclare tout simplement que Cohl est l’inventeur de l’animation. Fin de la (grosse) digression.
Sur le papier, Typewriter, semble s’accommoder du schéma archi-usé de l’histoire de la maison hantée, où autrefois il s’est passé un truc « horrible », abandonnée pendant des années, et finalement réinvestie par une famille. Et les mauvais esprits qui étaient au repos de se réveiller. On ne vous fait pas l’affront de lister les films auxquels on pense inévitablement, on vous a déjà ennuyé avec notre histoire d’Émile Cohl. Non ? Ah, c’est gentil. Merci.
Typewriter, n’ayant pas la prétention de réinventer le genre (ses auteurs ont eu la sagesse d’admettre que c’était un peu peine perdue), présente pourtant suffisamment d’aspérités pour éveiller au début curiosité, puis amusement et basculer sournoisement dans un astucieux mélange de films de teenagers, de thriller et épouvante. Et la mayonnaise prend !
Le fantôme de Sultanpore
Le fantôme de Sultanpore
Le fantôme de Sultanpore
- Copyright Netflix
À commencer par la séquence d’ouverture. 1983. Par une nuit d’orage, dans le bureau cossu d’une belle villa, un écrivain tape sur sa machine Underwood la première ligne d’un livre : « Le fantôme de Sultanpore ». Il est interrompu par sa petite fille qui n’arrive pas à dormir : elle entend des pleurs. Le grand-père la rassure et la reconduit dans sa chambre. Après inspection de derrière la porte, les rideaux et dans le placard, la petite fille est recouchée et redit à son papy d’écrivain qu’il y a une fille qui pleure sous son lit. La caméra suit l’écrivain qui se penche sous le lit et découvre sidéré sa petite fille terrifiée qui dit « quelqu’un dort dans mon lit ». Quand il se redresse, la petite fille sur le lit est beaucoup moins sympathique. Cut. Démarre un générique très esthétique, animation kaléidoscopique de claviers et rubans de machines formant un œil qui se ferme. Typewriter. Plan, cette fois de nos jours, d’une fillette tenant le bouquin « Le fantôme de Sultanpore ». Elle est la chef d’un commando d’enfants chasseurs de fantômes. Voilà, cinq minutes se sont écoulées et vous êtes déjà pris d’une curiosité plurielle.
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D’abord, c’est une production indienne avec des décors soignés et exotiques, des visages, une langue et une culture à cent lieues de la sauce anglo-saxonne usuelle. Ensuite, la transition assez brute, entre la séquence angoissante pré-générique et ce club en mode Ghostbusters pré-ados réunis dans une cabane interpelle inévitablement. Sommes-nous dans Stranger Things ou Shining made in India, puisque cette fichue machine à écrire est le nœud du récit ? Typewriter, « c’est marqué dessus comme le Port-Salut ». Et comme la curiosité est le vilain défaut nécessaire pour déguster ce type d’histoire, on se laisse vite embarquer. Très vite même, car Typewriter ne comporte que cinq épisodes, et réussit à développer une intrigue multi-temporelle (on se doute bien qu’on va revenir à 1983, mais pas que), avec une vraie galerie de personnages, à commencer par nos enfants enquêteurs et leur chien, les parents, les professeurs, des anciens qui « savent » et enfin un policier, car les cadavres vont s’accumuler, après passage de vie à trépas, avec à l’image un réglage raisonnable du curseur gore. Typewriter est en fait « délicieusement » flippant. Tout passe par le récit assez tarabiscoté, porté par ce mélange des genres, lui donnant une facture in fine plus « divertissante » que purement angoissante.
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Le casting est bon, la production très soignée, avec mention spéciale pour la maison qui est vraiment belle, richement aménagée et décorée. Seul bémol : un ou deux effets spéciaux nous rappelant l’origine made in Bollywood et cette marque de fabrique qui amuse les fans de certains comptes spécialisés, sur Facebook ou Twitter. Mais comme nous avons grand espoir que Netflix nous offre une suite, ils allongeront certainement le budget effets numériques. Car comme le veut le genre, le final, dont un ou deux plans auraient indiscutablement amusé Émile Cohl, termine partiellement l’histoire. Et pour Typewriter, l’affaire est menée de façon assez habile, avec deux portes : une sur l’intrigue principale, bien entendu, et une autre sur une intrigue secondaire dont on ne voyait pas très bien à quoi elle servait…
Voilà, on n’en dira pas plus. Allez-y, juste histoire de changer d’air et de culture pendant un peu moins de cinq heures menées tambour battant.
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