Le 27 février 2018
Un film sombre, que la rencontre d’un couple mythique élève au rang de classique du noir.
- Réalisateur : Frank Tuttle
- Acteurs : Veronica Lake, Alan Ladd, Tully Marshall, Robert Preston, Laird Cregar
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h21mn
- Date télé : 29 octobre 2022 21:00
- Chaîne : OCS Géants
- Reprise: 1er août 2001
- Titre original : This Gun for Hire
- Date de sortie : 15 janvier 1947
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– Année de production : 1942
Résumé : Payé par son commanditaire en argent volé, Philip Raven, tueur à gages, doit fuir la police lancée à ses trousses. Sur son chemin, il fait la connaissance d’Ellen...
Critique : Adapté lointainement d’un roman de Graham Greene, Tueur à gages repose avant tout sur la rencontre de Veronica Lake et Alan Ladd, rencontre explosive et subtilement érotique qui amènera les studios à utiliser encore ce couple magique. Mais la nouveauté du film, ce qui en fit le succès, est bien le portrait d’un tueur humain, ou plutôt rendu peu à peu humain. Dès la première séquence, que Jean-Pierre Melville imitera dans Le samouraï, tout est dit : Raven aime les chats, ne craint pas la brutalité (la domestique dont il déchire la robe a maltraité le félin) et son visage impassible ne laissera passer aucun rictus. C’est que Tuttle vise la sobriété, presque l’épure par moments : les moments d’émotion frisent la pudeur, la violence est sèche et souvent hors-champ. Pas de baiser fougueux, peu de fusillades.
Certes, l’histoire accumule les coïncidences et les personnages se retrouvent un peu trop facilement dans les mêmes endroits, mais les scénaristes (Maltz et Burnett, tout de même) sacrifient la vraisemblance à l’efficacité et à la rapidité. On ne traîne pas, la plupart des trajets sont traités en ellipses. Mais de cet empressement naît aussi une urgence, celle que justifie la traque de Raven et Ellen, au gré de décors soignés : que ce soit le monumental (l’usine chimique, l’usine à gaz), ou le miséreux (la chambre initiale, une maison à démolir), le studio (la maison de Gates) ou le décor naturel, tous sont choisis pour signifier ; ainsi Raven est-il de plus en plus encerclé par un lacis de lignes et de grilles au fur et à mesure qu’il progresse vers son but, abattre le commanditaire qui l’a doublé. De même, nombre de détails prennent-ils une épaisseur par leur récurrence, comme les bonbons à la menthe ou les cartes.
Tuttle et ses scénaristes excellent à croquer des personnages : le vieil infirme boit du lait et mâchonne ses mots comme des biscuits, Gates vit dans la peur et mange ses bonbons. Mais s’ils sacrifient le héros positif (le très fade policier fiancé à Ellen), c’est la concentration sur le couple qui gagne la mise : héros torturé, handicapé, Raven cache des failles sous sa froideur apparente, failles qu’un monologue un peu forcé révèle en une caricature de psychanalyse. Dès le début, dans son dialogue avec Gates, il énonce son programme (s’il était trahi, il chercherait qui tire les ficelles et le tuerait, hypothèse qui devient vite l’enjeu du film). Tout se déroule en quelque sorte comme prévu, et cette discussion pose le thème du destin, thème qui fera son retour de manière subtile dans la bouche même de Raven à la mort du chat. Enfin, tout se déroule presque comme prévu : ce qui ne l’était pas, c’est l’apparition de la lumineuse Veronica Lake ; elle aussi ambivalente puisqu’elle est partagée entre sa fidélité, son devoir et sa compassion amoureuse pour Raven. Tuttle la rend subjuguante par des éclairages léchés, qui mettent en valeur sa blondeur et son regard. Les mots qu’elle murmure, mais aussi, et peut-être surtout, ses passages mutiques ont fait d’elle une icône du noir et blanc, et il suffit de voir le métrage pour comprendre pourquoi.
Très court, nerveux, Tueur à gages est une œuvre ramassée finement écrite et magnifiquement éclairée. Légèrement patriotique, mais François Guérif souligne à juste titre que la critique du capitalisme rapace est également présente, sombre malgré une fin pataude, il laisse le souvenir de séquences marquantes, à la tension palpable. Les quelques faiblesses, et notamment une réalisation anonyme dans quelques scènes convenues, n’empêchent pas le film de gagner ses galons de classique aussi sobre que puissant.
Les suppléments :
Deux anciens bonus inégaux : le documentaire consacré à Alan Ladd n’est pas sans intérêt, mais son caractère hagiographique, l’enchaînement chronologique des faits et une psychologisation à la hache ont quelque chose de lassant, d’autant que cette petite heure n’est pas inédite. La présentation de François Guérif (19mn), plus riche, analyse le film, notamment le rapport au roman, les comédiens, la photo et le style, et multiplie les informations passionnantes (scénaristes, réalisateur, leurs rapports avec la chasse aux sorcières). Ses interprétations psychologique et politique valent largement le détour et placent le métrage à la hauteur qui lui revient.
L’image :
La copie est propre, sans parasites ; bonne nouvelle, pour rendre la complexité d’un noir et blanc travaillé et riche.
Le son :
Il vaut mieux éviter la VF d’époque, qui a mal vieilli. À rebours, les dialogues et la musique sont très nets sur la piste originale et quelques rugosités ne nuisent en rien au confort d’écoute, évidemment tributaire de l’âge du film.
– Sortie du combo DVD ("Tueur à gages" + "Le dahlia bleu") : le 3 mars 2018
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