Le 22 janvier 2020
Tu mourras à 20 ans est le récit d’une émancipation sociale et culturelle au Soudan. Un film rare, intense et d’un courage inouï, qui ose défier la pensée conformiste de toute une société.
- Réalisateur : Amjad Abu Alala
- Acteurs : Mustafa Shehata, Islam Mubarak, Mahmoud Elsaraj
- Nationalité : Français, Allemand, Norvégien, Égyptien, Qatarien, Soudanais
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h45mn
- Titre original : You will die at 20
- Date de sortie : 12 février 2020
- Festival : Festival de Venise 2019
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Résumé : Soudan, province d’Aljazira, de nos jours. Peu après la naissance de Muzamil, le chef religieux du village prédit qu’il mourra à 20 ans. Le père de l’enfant ne peut pas supporter le poids de cette malédiction et s’enfuit. Sakina élève alors seule son fils, le couvant de toutes ses attentions. Un jour, Muzamil a 19 ans....
Notre avis : On l’appelle Enfant-de-la-Mort. Tout ça parce qu’au moment où il était encore nourrisson, alors que sa mère s’apprêtait à le faire bénir par un religieux, un homme s’est écroulé à force d’épuisement. Un arrêt cardiaque sans doute. Mais au Soudan, là où la religion concourt en totalité à la compréhension du monde, il s’agit d’un signe de Dieu, la prophétie d’une mort prématurée certaine. Toute la vie du jeune Muzamil s’articule alors autour du désir de se racheter et d’échapper à son funeste destin. La volonté divine a pris la place de la capacité d’initiative de ce jeune être, qui s’en remet totalement à la bonne parole. Même sa mère porte en permanence une robe noire, signe de deuil, certaine aussi qu’elle doit se préparer au grand départ de son enfant. Difficile alors de travailler, d’étudier à l’école, de tomber amoureux, bref de se projeter dans un avenir familial et social. Son existence n’est plus que peur et inquiétude, qui le retient dans un état d’empêchement terrible, et une solitude inconsolable.
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Derrière la figure de ce jeune Muzamil, c’est tout un pays dont le réalisateur dresse le portrait. Le Soudan apparaît comme une nation de l’impossibilité. Les rituels animistes, les croyances irrationnelles, les textes et les pratiques religieux modélisent la pensée et la façon d’envisager l’existence pour soi et ses congénères. Cette sorte d’embrigadement des consciences empêche toute pensée critique. La culpabilité assaille les esprits. Le poids du collectif retient les individus dans leur capacité d’émancipation. Et il y a ce jeune cinéaste, Amjad Abu Alala, qui vient bousculer les fondamentaux culturels de son propre pays en presque 1 heure 45. Cette éducation sentimentale africaine contrevient magistralement à toutes les croyances et tous les dogmes religieux, au point que pendant tout le récit, on tremble pour le réalisateur. Quel courage en ces temps si troublés que de brandir le cinéma comme une arme contre le déterminisme religieux et culturel ! Quel courage manifestent les acteurs en acceptant d’endosser ces rôles ! Tu mourras à vingt ans devient alors une sorte d’emblème soudanais de la liberté de créer, de penser et de devenir soi en dehors du prêt-à-penser. Et personne ne peut rester insensible à la dédicace en générique de fin, offrant le film aux révolutionnaires du Soudan.
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Car le moteur magnifique de ce changement à l’œuvre dans les consciences demeure l’art. Le récit invite la musique, le cinéma lui-même, le henné comme autant d’opportunités pour un peuple de grandir en humanité et en connaissances. Le cinéaste élabore un véritable plaidoyer pour une éducation culturelle, comme autant d’encouragements à la liberté des individus. On pense au très beau film de Giuseppe Tornatore Cinema Paradiso, qui racontait à sa façon l’éveil à la vie culturelle d’un jeune garçon à travers le septième art. Muzamil fait l’expérience de l’esprit critique, grâce à cet homme qui archive des films chez lui. Cette rencontre, quasi paternelle, lui permet d’ouvrir son regard sur le monde, d’apprécier la danse, d’appréhender le droit à la sensualité et à l’émotion. Il faut se rappeler que le cinéma ne débute pas avec l’invention du cinématographe. Le cinéma est né des séances collectives de projection à la fin du dix-neuvième siècle, donnant alors à ce nouvel art une puissance d’enrichissement intellectuel et culturel. Regarder un film, c’est faire un pas de côté sur sa propre réalité, c’est penser qu’on n’est pas seul à regarder le monde, c’est comme Muzamil, faire l’expérience de la liberté.
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Tu mourras à vingt ans ne serait pas ce qu’il est sans le jeu des comédiens, à commencer par ce jeune homme qu’interprète Mustafa Shehata. L’acteur donne à voir une figure complexe, habitée par les croyances, la culpabilité, tout en étant à la recherche d’un sens à sa vie. Le comédien incarne avec brio le combat intérieur qui anime sans doute un grand nombre de Soudanais d’aujourd’hui, perdus entre les croyances traditionnelles héritées de leur famille, les référentiels religieux et leur ardent désir d’émancipation. Cette éducation africaine est un vrai coup de poing cinématographique qui, à la façon du vieux conservateur de films, devrait donner des ailes à nombre de jeunes gens en mal de repères.
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