Le 4 mars 2019
En tentant désespérément de renouer avec ce qui a fait le succès de la saison 1, True Detective enchaîne les écueils qui en font la plus mauvaise saison de la série.


- Acteurs : Stephen Dorff, Scoot McNairy, Carmen Ejogo, Mahershala Ali
- Genre : Série télé
- Date de sortie : 13 janvier 2019

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Résumé : En Arkansas, en 1980, la police est mobilisée suite à la disparition de deux enfants. En apparence banale, l’enquête se révèle longue et très complexe. Trois temporalités permettent d’éclairer ce même mystère...
- Copyright : HBO
Notre avis : Ce sont dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. Encore faut-il que le pot ne soit pas rouillé.... Après presque 4 ans d’absence et une saison 2 abondamment critiquée, True Detective a réalisé un retour discret, loin de l’engouement suscité par le lancement de la précédente histoire de cette œuvre anthologique. De l’eau a coulé sous les ponts depuis, et si le show de HBO garde son importance dans l’histoire de la télévision de ces dernières années, la série avait perdu de son aura face à la déconvenue qu’avait représentée une seconde saison plus poussive et caricaturale. Nic Pizzolatto, le scénariste et créateur de True Detective, a par conséquent appris de ses erreurs et a bien compris la nécessité de revenir aux sources, peut-être trop. Malgré tous les défauts de la saison 2, elle avait su prendre des risques et créer la surprise par ses différences flagrantes avec les fondations, pourtant ultra solides, de l’histoire originelle. La direction entreprise pour cette nouvelle enquête est tout autre, puisqu’il s’agit de renouer avec les racines de la série, et donc avec le public, par le biais d’une histoire sans audace, beaucoup trop transparente quant à ses intentions sous influences. True Detective ressemble ici à une checklist sans grande saveur des ingrédients à succès rassemblés pour tenir sur 8 épisodes qui ne semblent pas vouloir exprimer ou raconter grand-chose.
- Copyright : HBO
Bien évidemment, la série de Pizzolatto a toujours su se détacher par son atmosphère plus que par son scénario. La lenteur et les fausses pistes ont toujours fait partie de l’ADN de la série, qui s’attache à montrer une enquête piétinante aux finalités souvent complotistes, mais l’intelligence de l’écriture résidait dans la capacité à se servir de cette enquête pour s’immiscer dans un environnement poisseux et différentes strates de celui-ci. Située dans une Arkansas industrielle post-Vietnam, cette saison ne déroge pas tant à la règle mais elle peine en revanche à susciter l’intérêt pour ce qu’elle propose. Le poids de l’environnement pèse bien moins que dans les histoires précédentes si bien que l’impact s’en retrouve amoindri. Sur le principe du toujours plus, True Detective revient vers un jeu entre plusieurs timelines mais le complexifie inutilement ici par l’ambiguïté sur l’état mental de Wayne, élément narratif poussif, prétexte à des multiples longueurs au lieu d’être un vecteur de suspense dramatique. La série joue énormément sur l’attente du spectateur mais provoque par ce biais une grande frustration, à cause de révélations jamais vraiment à la hauteur des espérances qu’elles avaient suscitées. La résolution de l’enquête se révèle symptomatique du problème : tout ça pour ça.
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En se privant d’une liberté artistique totale, True Detective s’offre certes un cadre pour éviter de déraper, à l’instar de la saison 2, mais se plombe avant tout avec un cahier des charges plus encombrant que les cartons d’affaires d’une ex. Pas grand-chose ne fonctionne vraiment dans cette histoire ampoulée et creuse, et même si la mise en scène reconduit partiellement la beauté dangereuse de la série, elle n’atteint jamais le caractère sale avec laquelle elle aurait sans aucun doute aimé renouer. L’exploitation de la saison 1 va jusque dans le clin d’œil racoleur aux détectives Cohle et Rust, si évident et inutile qu’il hyperbolise parfaitement les travers de cette saison, dont les intentions étaient sûrement très bonnes, offrir aux fans un retour aux sources, mais à l’exécution en forme de contre-exemple de ce qu’il ne faudrait jamais produire dans un contexte similaire. Des années se sont écoulées entre la deuxième histoire et la dernière, si bien qu’il aurait peut-être fallu lâcher le morceau et se consacrer à une autre œuvre, comme ont pu le faire une partie importante des spectateurs. Avec cette saison 3, non seulement la série revient sur le devant de la scène sans fracas, signe du désintérêt du public, mais c’est en plus pour la quitter sans éclat. On aurait préféré s’en dispenser.
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