Trenque Lauquen - Parties 1 & 2 - Laura Citarella - critique

Critique : Les films de plus de quatre heures peuvent à première vue effrayer le spectateur. Pour autant, le cinéma n’a guère l’occasion de prendre le temps de dérouler la complexité narrative tant la dimension commerciale l’emporte sur le désir de fiction. Justement, Trenque Lauquen prend le risque d’entraîner les spectateurs dans un long et langoureux chemin où la psychologie et le mystère se mélangent habilement. Le titre est emprunté au nom d’une ville située dans la province de Buenos Aires. On pense un instant à la bourgade de Twin Peaks dans la mesure où au fur et à mesure de la narration, les énigmes et étrangetés s’accumulent en parallèle de la disparition suspecte de la jeune Laura.

Copyright Capricci Films

Trenque Lauquen apparaît comme un long-métrage aux confins de plusieurs genres cinématographiques. La première partie raconte la recherche désespérée de Laura par deux hommes qui se disputent secrètement l’amour. Ils discutent beaucoup, rencontrant des paysans, des témoins divers qui ont plus ou moins fréquenté cette drôle de jeune femme. Puis, peu à peu, les temporalités se mêlent, et derrière la disparition de Laura surgit une étrange enquête autour d’une relation amoureuse fantomatique qui s’égrène au fil de lettres cachées dans des ouvrages. Le récit superpose différents angles de vue. Les chapitres se succèdent, permettant aux différents protagonistes de se révéler autour de Laura qui exerce sur eux fascination et mystère. Le film est presque construit comme une énigme policière, sinon que la réalisatrice n’assume pas vraiment le point de vue. Elle sème le trouble, hésitant entre le romantisme, le récit social et la fantastique. De curieuses fleurs jaunes font leur apparition, on parle de créatures imaginaires qui sortent des lacs, pendant que le personnage de Laura s’évapore peu à peu dans un destin à la limite de la folie.

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Trenque Lauquen est un objet de cinéma hybride. Il faut accepter de se perdre avec lui, de s’agacer aussi au milieu des dialogues parfois interminables. En fait, la force du film survient à la sortie de la salle, quelques heures après le visionnage. Le mystère de Laura, l’attraction qu’elle génère tant chez les hommes que les femmes, semblent plusieurs heures après une évidence. Cette dimension trahit le travail très important de la mise en scène, de l’écriture. La réalisatrice joue avec les règles de la narration. Elle n’appuie jamais son propos, même si la dénonciation politique n’est jamais loin. Il suffit qu’elle mette en scène des militaires, ou qu’elle fasse parler des animateurs profanes de radio pour que l’on saisisse la complexité sociale de l’Argentine.

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Trenque Lauquen fait figure d’ovni au milieu du paysage cinématographique. L’œuvre pour le moins originale réconcilie le spectateur avec l’ennui qui devient une force.