Le 12 février 2023
À la fois récit policier, conte ethnographique et plaidoyer en faveur du droit à la différence, le sixième long-métrage de Tiago Guedes est une franche réussite.
- Réalisateur : Tiago Guedes
- Acteurs : Nuno Lopes, Albano Jerónimo, Edgar Morais, Adriano Carvalho, Gonçalo Waddington
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Portugais
- Distributeur : Alfama Films
- Durée : 2h07mn
- Titre original : Restos do vento
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 8 février 2023
- Festival : Festival de Cannes 2022
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– Sélection officielle Cannes 2022 : séance spéciale
Résumé : Dans un village de la campagne portugaise, une tradition païenne laisse des traces douloureuses chez un groupe de jeunes adolescents. Vingt-cinq ans plus tard, lorsqu’ils se retrouvent, le passé refait surface et la tragédie s’installe.
Critique : Toutes les traditions ne sont pas bonnes. À commencer celles qui mettent en exergue, avec plus ou moins de consentement, la virilité des jeunes gens au détriment de l’intégrité de celles qu’ils poursuivent. Traces s’ouvre justement sur une sorte de rituel initiatique totalement absurde où des adolescents en rut sont drogués par les adultes et doivent se ruer sur les filles du village à la façon de poules qu’ils poursuivraient. Ils sont vêtus d’un masque de jute comme on le voit dans les films d’épouvante. Nul doute que ce type d’exercice ne peut conduire qu’à des drames, en la personne du pauvre Laureano qui se retrouve battu à mort par ces garçons survoltés. Le long-métrage se passe quelques quinze ou vingt années après ce drame. Laureano s’est remis difficilement du traumatisme. Il est perçu comme l’idiot du village, les gosses lui balancent des pierres et il vit dans le dénuement le plus total. Mais le drame finit par se répéter, après la découverte, sur une route isolée, la dépouille d’un adolescent.
- © 2022 Leopardo Filmes. Tous droits réservés.
Traces n’est pas qu’un beau film. C’est une tragédie aux accents raciniens où les culpabilités enfouies, le poids du passé et le goût du sacrifice dominent les relations sociales. Tout semble filer dans le silence de la campagne du Portugal. Les battants des éoliennes qui fracturent le ciel rappellent que la fiction se passe aujourd’hui, et non pas dans un temps ancien et révolu. Les femmes ont encore du mal à échapper à leur condition servile, les jeunes filles restent la proie d’adolescents tout-puissants, animés par leurs hormones, et les imbéciles du village sont confinés à leur seule idiotie, sans considération aucune des villageois. Le film raconte une sorte d’enquête policière à la recherche du tueur supposé de l’adolescent. En réalité, il se veut surtout l’expression d’un univers rural, encore traversé par les relents d’un conformisme réactionnaire, sous couvert de transmission des traditions.
- © 2022 Leopardo Filmes. Tous droits réservés.
Traces demeure un drame sensible et puissant. Le spectateur est emporté par la tragédie qui se joue entre les personnages. Chaque douleur est légitime, amenant certains protagonistes à se sacrifier pour rompre le cauchemar de leur condition de femmes et d’hommes. Évidemment, comme dans la vraie vie, ce sont les plus vulnérables, les plus dominés qui doivent se soumettre à la violence et à la justice populaire des hommes. La lâcheté affleure au milieu de la bonté et prend hélas le pouvoir. En ce sens, Traces constitue un véritable objet ethnographique. Il raconte une société rurale dans le pire et le meilleur qu’elle peut proposer. Tiago Guedes ne juge pas pour autant. La mise en scène se veut dépouillée, brute, elle va au cœur des problématiques culturelles et sociales qui s’imposent.
Traces risque de rester au statut du film confidentiel. Dommage car c’est une œuvre dense, très bien écrite, qui témoigne avec vergogne des contradictions de nos sociétés contemporaines.
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