Le 7 mars 2023
Un thriller judiciaire qui, entre pudeur et pédagogie, mêle intimité et justice pour aborder un déni de société bien enfoui.
- Réalisateur : Béatrice Pollet
- Acteurs : Grégoire Colin, Fanny Cottençon, Géraldine Nakache , Maud Wyler, Pascal Demolon, Roman Kolinka, Ophélia Kolb, Pascale Vignal
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Français
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h33mn
- Date de sortie : 8 mars 2023
- Festival : Festival du film de Royan 2022
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Résumé : Claire et Sophie ont fait leurs études ensemble, elles sont toutes deux avocates. Claire va être accusée de tentative d’homicide sur enfant de moins de 15 ans. Sophie va assurer sa défense. Comment Claire, déjà mère de deux enfants, n’a-t-elle ni vi ni senti qu’elle était à nouveau enceinte ?
Critique : Quelques adultes s’ébattent joyeusement autour d’une piscine. Puis vient le temps d’un dîner joyeux auquel se joignent les enfants. Un bonheur familial tout simple qui vole en éclats quelques jours plus tard quand Thomas (Grégoire Colin) rentre un soir et retrouve d’abord sa femme inanimée et ensanglantée, puis ensuite un bébé (vivant) abandonné sur une poubelle. De femme enceinte, il n’a jusqu’à présent jamais été question. Pourtant Claire vient bien d’accoucher. Ni son mari, ni ses amis, ni les spectateurs n’ont rien vu.
- Copyright Sensito Films
Plus de dix ans après son premier long-métrage Le jour de la grenouille passé plutôt inaperçu, Béatrice Pollet s’empare d’un angle inédit pour questionner une nouvelle fois la place de la femme dans le monde moderne à travers un sujet rarement abordé au cinéma et socialement tabou qu’est le déni de grossesse. Ce dysfonctionnement qui survient quand une femme n’a pas conscience ou refuse d’avoir conscience d’être enceinte et quand son corps ne lui envoie aucun des symptômes habituels. S’il s’agit d’un déni partiel, un événement annexe rompt le déni avant l’accouchement. Dans le cas d’un déni complet, l’accouchement a lieu sans que la femme comprenne ce qui lui arrive. L’enfant peut alors être mis en danger et l’accouchement devient un problème médico-légal. La justice, ne tenant aucun compte du trouble mental dont souffre la mère, en fait immédiatement une potentielle meurtrière et au chef de tentative d’homicide sur enfant, la place en détention provisoire. La réalisatrice scénariste nous convie donc au déroulement d’une chronique judiciaire inspirée d’un fait divers et nourrie d’une émouvante authenticité, obtenue grâce à ses échanges avec des médecins, des avocats, des juges et des psychiatres. En plaçant son propos au cœur d’un milieu aisé et équilibré, l’auteure évacue d’emblée tout risque de récupération misérabiliste et épaissit le mystère autour d’une anomalie à la fois psychique et physique que la médecine peine toujours à cerner. La justice, elle, ne s’embarrasse pas de ces considérations. Cette mère doit répondre de ses actes. Mais comment répondre d’actes que l’on ignore avoir commis ?
- Copyright Sensito Films
Il s’agit pourtant plus ici de s’attacher à l’aspect psychologique de personnages terriblement humains que de filmer un procès dans le huis clos d’un tribunal. D’un côté Claire incarnée par une Maud Wyler tout en retenue, à la fois désarmante et poignante, soutenue par Sophie, son amie et consœur à qui Géraldine Nakache prête son infatigable soutien, tandis que Grégoire Colin, loin des rôles plus sombres auxquels il nous a habitués, fait merveille dans la peau de ce mari culpabilisé et désorienté mais indéfectiblement aimant. De l’autre, une justice implacable qui a bien du mal à se pencher sur le sort de cette femme plus victime que coupable, incarnée à la fois par Ophélia Kolb dont le visage enfantin tranche avec la dureté de ses propos, et par Pascal Demolon dont l’humanité naturelle sied juste à point à ce juge en quête de justesse, loin de toute forme de caricature.
Concis et énigmatique, surfant avec les codes du thriller sans toutefois se départir d’une juste dose de pédagogie, doté d’un casting de bon aloi et d’une mise en scène efficace Toi non plus, tu n’as rien vu s’acharne, avec succès, à offrir aux spectateurs une vision sans préjugés dans l’espoir de permettre d’appréhender au mieux cette complexité plus pathologique que judiciaire qu’est le déni de grossesse.
- © Jour2fête
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