Le 9 mai 2024
Julia Ducournau livre un film hautement singulier, confirme tout son talent, mais déçoit presque inéluctablement, au vu de l’attente suscitée par son Titane.
- Réalisateur : Julia Ducournau
- Acteurs : Vincent Lindon, Dominique Frot, Garance Marillier, Myriem Akheddiou, Agathe Rousselle, Laïs Salameh
- Genre : Fantastique, Épouvante-horreur, LGBTQIA+, Drame fantastique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Editeur vidéo : Diaphana Édition Vidéo
- Durée : 1h48mn
- Date télé : 16 mai 2024 23:00
- Chaîne : Arte
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 14 juillet 2021
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Après une série de crimes inexpliqués, un père retrouve son fils disparu depuis dix ans. Titane : métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs.
Critique : Premier constat : Titane est un choc, inévitablement. Sa plastique parfaitement travaillée, son ambiance électrisante, sa violence esthétique, mais crue ne peuvent que marquer.
La qualité première de Ducournau est non seulement de mélanger les genres, mais d’aller jusqu’à les dépasser. Ainsi, on ne sait pas précisément quelle catégorie de film on regarde, et il y a fort à parier que son autrice détesterait qu’on puisse en fixer un. Titane est au moins une comédie noire. Et quelle comédie noire ! Extrêmement drôle, elle produit parfois des effets irrésistibles, surtout lorsqu’elle choisit de surprendre. Une série de meurtres atroces, un arrêt cardiaque, une communication impossible entre un père et son fils, sont autant de cadres étonnants pour faire naître l’humour avec une rythmique parfaite. C’est aussi un thriller, incontestablement. Certaines scènes de tensions sont imparables. Il s’agit à coup sûr d’horreur, alternant entre le psychologique et le gore pur, souvent avec succès. Finalement, le talent de sa réalisatrice définit un style identifiable, au premier coup d’œil.
- Copyright Carole Bethuel
Surtout, rien n’est définitivement masculin, ni féminin. Cette binarité ne semble d’ailleurs plus avoir grand sens. Il importe peu, en fin de compte, à Vincent d’appeler son fils, sa fille, par un prénom genré. Dans le même film, dans la même scène, Alexia est alternativement homme et femme. De plus, Ducournau permet au personnage de se réapproprier des attributs largement perçus comme masculins. On mentionnera en particulier l’élément déclencheur du scénario. Dans cet esprit, la réalisatrice souhaite élever le « genre » cinématographique, à la manière des Américains lorsqu’ils produisent de l’elevated horror, avec Ari Aster ou encore Jordan Peele.
Si le synopsis semble peiner à nous livrer tous ses secrets, on remarquera l’aisance de Ducournau à filmer la mutation, la déformation des corps, l’influence de Cronenberg se faisant nettement sentir.
Toutefois, certaines facilités peuvent décevoir. Certes, on comprend parfaitement la volonté de déconstruire la féminité exacerbée et contrôlée par les hommes, en la montrant frontalement dès le début, mais peut-être aurait-il fallu le faire de manière plus subtile. De plus, le point de départ de l’intrigue manque de contexte, avec une question qui taraude le spectateur : même si l’on peut admettre que cette part de flou participe à l’ambiance du film, qu’est-ce qui explique le comportement d’Alexia, ?
Alors soyons honnêtes : le sentiment général de (petite) déception s’explique par l’attente démesurée dont a fait l’objet Titane. Il y a en tout cas un élément sur lequel il est impossible de faire la fine bouche : la maîtrise technique de Ducournau. Comme la réalisatrice le précise elle-même, elle a fait preuve d’audace, à l’image du plan-séquence d’une des premières scènes du film, dans la boîte de nuit, particulièrement impressionnante et envoûtante.
Si les personnages paraissent parfois manquer de profondeur, le choix du casting est parfait. Agathe Rousselle est très convaincante et l’on retrouve avec plaisir Garance Marillier, interprète de Grave (2016). Mais c’est surtout Vincent Lindon qui épate, avec une présence physique exceptionnelle et une justesse dans l’émotion, comme dans le rire, totalement déroutante.
- Copyright Carole Bethuel
Finalement, Titane est un très bon long métrage, qu’il serait difficilement excusable de manquer. Pour l’instant, compte tenu de la réputation qui le précédait et de l’attente qu’il suscitait, il est possible de dire que l’objet en soi peut décevoir. Mais il n’est pas interdit de penser que par ses thèmes et sa radicalité dans son approche, Titane, avec le temps, devienne une référence d’un nouveau genre. Le genre au-dessus du genre.
Thomas Bonicel
Le test DVD
L’image
L’image est d’une qualité époustouflante. C’est une véritable claque visuelle pour le spectateur qui se laisse très facilement séduire.
Le son
La bande-son souvent organique ajoute à la mise en scène de haut vol. Elle est indissociable d’un montage réussi qu’elle parachève.
Les suppléments
Un entretien de Julia Ducournau par Olivier Père (40 minutes) :
Titane est-il une version féminisée des Titans de la mythologie grecque ? Est-ce un cinéma de genre mais aussi gender ? Jusqu’où peut-on aller dans la représentation ? Titane n’est-il pas un film mutant qui mute en même temps que ses personnages ? Pourquoi l’importance de la danse en filigrane ? Peut-on comparer Titane à Crash de Cronenberg ? Pourquoi le choix instinctif de Vincent Lindon ? Et de la jeune première Agathe Rousselle ? Titane aurait-il pu être tourné ailleurs qu’en France, notamment aux États-Unis ? Voilà autant de questions auxquelles répond avec beaucoup de spontanéité Julia Ducournau.
La bande-annonce
Éric Françonnet
– Sortie DVD et Blu-ray : 16 novembre 2021
– Sortie VOD : 16 novembre 2021
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