Le 1er août 2023
Un chef-d’œuvre éblouissant, d’une maîtrise parfaite tant dans la mise en scène que le travail sur la photographie, stupéfiant de beauté.


- Réalisateur : Ahmad Bahrami
- Acteurs : Babak Karimi, Behzad Dorani, Baran Kosari, Ali Bagheri
- Genre : Thriller, Noir et blanc
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Bodega Films
- Durée : 1h38mn
- Titre original : Shahre Khamoush
- Date de sortie : 2 août 2023

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Résumé : Coupable du meurtre de son mari, Bemani est emprisonnée pendant dix ans. Libérée, elle part à la recherche de son jeune fils et se rend à la casse automobile où travaille son beau-frère...
Critique : C’est une mère qui veut revoir son fils. Elle sort de prison après dix ans d’incarcération. Seul son beau-frère est en capacité de l’orienter vers son enfant. Il travaille dans une ferraillerie, perdue au milieu de nulle part. The Wastetown est un long-métrage dans la lignée des grands films iraniens qui mêlent des questions sociales puissantes, interrogent le rapport au monde des femmes et des travailleurs, et concentrent le drame sur une dimension quasiment policière. Car hormis le fait que Bemani cherche à revoir son fils, se pose pour elle la question de sa réhabilitation en tant que femme, épouse et mère, avec, en fond de récit, le secret des raisons qui l’auraient conduite à tuer son mari.
- Copyright Mimrad
Le récit fonctionne presque à la manière d’un conte des Mille et une nuits, l’ossature romanesque se complexifiant à chaque fois d’éléments nouveaux qui s’agrègent en circularité. La photographie est absolument magnifique, la caméra prenant le temps, dans un noir et blanc noble, de regarder les personnages évoluer sur un espace de travail clos, austère et sec. Des montagnes désertiques bordent la décharge, rajoutant à l’enfermement social et psychique que vivent les personnages, chacun étant en prise avec un dilemme intérieur. La beauté stupéfiante des images s’invite dans ces regards graves, dévastés, à l’instar des paysages désolés, d’une immense solitude. La théâtralité du propos est totalement assumée, dans ce lieu clos où se joue le drame intime et familial d’une mère et d’une épouse phagocytée par le patriarcat.
- Copyright Mimrad
The Wastetown ne cherche pas à minorer la violence des choses. La situation des protagonistes est dramatique, à la façon du théâtre cornélien où les personnages sont confrontés à une série d’impossibilités. La vérité finit par éclore, avec évidemment son lot d’incertitudes et de trahisons. Ahmad Bahrami parvient au somme d’un art de la narration, de la cinématographie, jouant habilement avec les hors-champs, les images contemplatives d’un monde en décomposition. On perçoit bien dans la nuit, très loin, les lumières d’une ville qui pourrait être Téhéran. Mais en réalité, on voit surtout le vide insupportable qui hante Bemani et son ex-beau-frère, auquel se rajoute la menace d’être broyés à la façon des carcasses de véhicules qui finissent écrasées dans des camions.
On ne peut que regretter une sortie estivale pour ce grand film. Il est probable qu’un grand nombre d’exploitants ne prendront pas le risque de diffuser le long-métrage en plein mois d’août, alors que plus que jamais se joue, sur la scène iranienne, la question de la liberté des femmes et de son peuple tout entier.
FA_The-Wastetown_V5 from Bodega Films on Vimeo.