Le 5 septembre 2023
Le Prix du Jury et celui de l’EAC au festival Nouvelles Images Persanes à Vitré viennent récompenser un film brillant qui se veut autant une démonstration sur la crise économique qui pèse sur les classes ouvrières d’Iran qu’une réflexion hautement esthétique sur le cinéma. Un chef d’œuvre du cinéma iranien.
- Réalisateur : Ahmad Bahrimi
- Acteurs : Ali Bagheri, Farrokh Nemati, Mahdieh Nassaj, Touraj Alvand
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Bodega Films
- Durée : 1h42mn
- Titre original : Dashte Kamoush
- Date de sortie : 6 septembre 2023
- Festival : Festival de Venise 2021, Festival Nouvelles Images Persanes 2021
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 2020
Résumé : Quelque part perdue dans le désert iranien, une usine de briques est obligée de fermer face aux contraintes économiques. Les différents employés accusent très différemment le coup. Le superviseur Lotfollah joue les intermédiaires entre le patron et les ouvriers. Né et grandi sur place, il n’a jamais quitté l’enceinte de l’usine. Il va tenter d’accompagner les différents membres de la communauté – et notamment la belle Sarvar qu’il aime en secret.
Critique : Avec l’arrivée des drones dans le cinéma, le travelling a perdu de son aura. Le nouveau film d’Ahmad Bahrimi, connu essentiellement pour le magnifique Tableau noir, restitue au contraire ici une patte à l’ancienne. Voilà donc un film sur la condition ouvrière dans le Sud de l’Iran qui a à cœur à remettre à jour des pratiques anciennes de tournage ayant fait la gloire du septième art. La caméra vient chercher ses personnages dans de longs travellings d’une très grande beauté, tout en les enfermant dans un carré étroit sur l’écran, censé symboliser la perdition des travailleurs de la brique. Cette industrie artisanale est moribonde, remplacée par le ciment et étouffée par des années d’embargo américain. La cuisson méticuleuse de ces morceaux d’argile puisés à même le désert est le résultat de la sueur de familles entières qui entretiennent les fours, emportent sur des brouettes de fortune leurs matériaux et entreposent leurs trésors dans des allées de pierres cuites.
- Copyright Persia Film Distribution
Il n’y a pas de mot suffisant pour caractériser la beauté des images. La lumière très travaillée et le noir et blanc subtil accompagnent le destin de ces familles pauvres qui vivent à même leur briqueterie dans des logements rudimentaires. Un chef de chantier apporte chaque jour des morceaux de glace pour étancher leur soif et se dévoue nuit et jour pour permettre à cette industrie artisanale de survivre. Mais le patron a quelque chose à annoncer à ses ouvriers qui ne sont plus payés depuis des mois. On se doute bien qu’il s’agit de la cessation imminente de cette activité économique traditionnelle. Mais Ahmad Bahrimi prend le temps de la révélation. Le long-métrage est construit sur la méthode narrative des Contes des mille et une nuits. En effet, le scénario empile les temporalités, avec un phénomène récursif multipliant les points de vue de l’histoire qui se déroule sous nos yeux. Chaque famille devient un personnage principal de ce récit d’une décomposition économique et sociale. On y perçoit les enjeux de rivalité entre les ouvriers, les luttes entre communautés kurdes et iraniennes, les récits amoureux qui ne se disent jamais vraiment, et surtout la domination du patronat qui s’autorise les pires conditions de travail, sous couvert d’un management patriarcal des temps anciens.
- Copyright Persia Film Distribution
Voilà donc un nouveau petit miracle du cinéma iranien. Il y a chez le réalisateur une véritable recherche esthétique pour donner vie à ces gens de peu qui donnent de leur santé à des employeurs étouffés par les dettes, contre des mois de salaire en retard. Ahmad Bahrimi ne souhaite pas faire ici un cinéma de la lutte des classes. Il ne juge pas frontalement, sinon qu’il dénonce une économie ravagée par l’inflation à force de blocage des échanges commerciaux par les États-Unis. Le pouvoir iranien est égratigné aussi, lequel maintient au détriment de son peuple d’ouvriers un rapport de force absurde sur la question du nucléaire. On ressort de ce film totalement bouleversé, avec le sentiment que l’histoire du cinéma se réinvente dans ces pépites merveilleuses.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.