Retour pour ses 40 ans
Le 15 septembre 2010
Symbole du film "culte", délirant, provoquant, ringard, kitsch. Les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer cette bête curieuse de l’histoire du cinéma.
- Réalisateur : Jim Sharman
- Acteurs : Susan Sarandon, Tim Curry, Meat Loaf, Charles Gray, Barry Bostwick, Patricia Quinn
- Genre : Comédie, Comédie musicale, Musical
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : Twentieth Century Fox France
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 1h40mn
- Date télé : 16 juin 2024 23:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 13 avril 2022
- Date de sortie : 14 avril 1976
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Résumé : Une nuit d’orage, la voiture de Janet et Brad, un couple coincé qui vient de se fiancer, tombe en panne. Obligés de se réfugier dans un mystérieux château, ils vont faire la rencontre de ses occupants pour le moins bizarres, qui se livrent à de bien étranges expériences.
Critique : Symbole du film "culte", adulé ou conspué, il n’aura jamais laissé indifférent. Rares sont les films qui survivent à un quart de siècle de projection, et cette longévité apporte peut-être la preuve que succès ne rime pas forcément avec superproduction.
Une bien belle histoire
Brad Majors et Janet Weiss - jeune couple délicieusement coincé - décident d’aller annoncer la nouvelle de leurs fiançailles à leur ancien professeur, le docteur Everett Scott. Ils tombent en panne en pleine nuit sous une pluie battante et trouvent refuge dans un étrange château. Il s’y déroule une grande fête en l’honneur du maître, Frank N. Furter, qui va publiquement mettre la dernière touche - l’étincelle de vie - à sa créature, conçue pour assouvir tous ses fantasmes. Nous allons donc assister à la naissance de Rocky, Monsieur Muscle au cœur tendre, à la débauche de Brad et Janet par leur hôte, à la disgrâce dudit hôte, et enfin, au bouquet final, puisque (presque) tout ce beau monde va s’élancer dans l’espace pour un retour vers Transylvania à bord du fameux château, qui n’est autre, vous l’aurez deviné, qu’un vaisseau spatial.
Richard O’Brien, fermier néo-zélandais, quitte son île natale pour tenter sa chance à Londres. En quelques semaines, il écrit The Rocky Horror Show, pièce musicale délirante, combinaison de films d’horreur, de séries B, le tout assaisonné de musique rock des années 1950. "Pour moi, ce n’était pas vraiment écrire, explique Richard O’Brien, c’était comme faire des mots croisés, ou peindre, ou faire des collages. J’ai juste écrit des chansons que j’aimais bien, j’ai inventé quelques gags drôles, j’ai ajouté des dialogues de série B dans des situations de série B." La pièce est montée au Royal Court Theatre le 16 juin 1973. Rapidement reprise aux États-Unis, elle fait un tabac au Roxy à Los Angeles et un bide à New York.
Les droits cinématographiques sont achetés par le producteur Lou Adler et le film est tourné en Angleterre, au château Victoria, par Jim Sharman. La plupart des acteurs de la pièce vont reprendre leur rôle : Tim Curry, Patricia Quinn, et bien sûr Richard O’Brien qui avait d’ailleurs écrit le rôle de Riff Raff pour lui. Barry Bostwick, dans le rôle de Brad et Susan Sarandon dans celui de Janet, sont des nouveaux venus. Le film sort le 24 septembre 1975 et se révèle assez rapidement un échec commercial retentissant. Cependant, les exploitants de salle remarquent des choses bizarres. À chaque projection, les deux tiers des spectateurs quittent la salle avant la fin. En revanche, ceux qui restent sont toujours les mêmes, et reviennent chaque semaine revoir le film. C’est là qu’intervient l’idée de génie. Lou Adler décide de "ritualiser" les séances. Désormais, le RHPS sera distribué à New York, uniquement en séance du soir, et dans certaines salles. En six mois, le flop se transforme en gigantesque succès. La pièce est reprise, selon le même procédé marketing, avec des représentations uniquement après minuit.
"Don’t dream it, be it !"
C’est ainsi que vont se mettre en place les rituels et les mises en scène qui vont constituer le culte du RHPS. Car rapidement, voir et revoir le film ne va plus suffire. Lors d’une projection, pendant Eddy’s Teddy, un spectateur brandit un ours en peluche tout au long de la chanson. C’est comme un signal de départ, la première mise en scène des projections qui deviendra, au fil du temps, de plus en plus élaborée. Ce ne sont, au début, que des clins d’œil : on lance du riz pendant le mariage, on vaporise de l’eau pendant l’orage, en s’abritant sous un journal, on allume les briquets pour chanter There’s a light... puis vont venir les véritables représentations, comme un film dans le film, où les spectateurs, costumés, se donnent la réplique sur la scène en même temps que les acteurs. "Don’t dream it, be it", dit la chanson... Ce serait peut être la morale de l’histoire. Ces spectateurs constituent actuellement des "cast", et se produisent régulièrement dans les salles de cinéma. Ces salles sont peu nombreuses : environ deux-cents aux États-Unis, trois en Grande-Bretagne et en Italie, une dizaine au Japon et une en France, le Studio Galande, qui propose chaque semaine trois représentations du RHPS.
Le fan club compte quarante mille membres actifs dans le monde. Il est présidé par Sal Piro, entré au Guinness des records après avoir vu le film mille cinq cents fois. Depuis, il a cessé de compter !
La malédiction du RHPS
- © 20th Century Fox
Pour la majorité des acteurs du RHPS, l’aventure restera un événement isolé dans leur carrière. Certains changeront totalement de voie, d’autres poursuivront tant bien que mal des carrières cinématographiques sans gloire. Le casting du film est en tout cas particulièrement éclectique. Richard O’Brien, auteur et compositeur du film, écrit donc le rôle de Riff Raff pour lui. Il a déjà participé à Hair et Jésus-Christ superstar, mais il va retenter l’expérience de la réalisation, en particulier avec Flash Gordon. Tim Curry fait sa première apparition à l’écran dans le rôle de Frank N. Furter. Il fait partie de la troupe de la pièce, et on l’avait, lui aussi, vu dans Hair. On le reverra régulièrement au cinéma, dans des productions très diverses allant de À la poursuite d’Octobre rouge à La famille Addams, en passant par la bande sonore des Razmokets ! À la télévision, il participe à la série Rude Awakening (encore un "culte" !), mais c’est dans la musique qu’il trouve vraiment sa voie, et il vient de sortir son quatrième album. Patricia Quinn est Magenta, la sœur de Riff Raff. Elle a toujours affirmé que si elle avait eu le rôle, c’était uniquement parce que Marianne Faithfull était alors en Inde avec son gourou ! Son agent lui avait en tout cas fortement déconseillé de participer au film ! Little Nell est d’origine australienne. Elle est repérée alors qu’elle se produit dans la rue dans un numéro de claquettes. Sa carrière n’ira pas plus loin et elle tient actuellement un bar à New York : le Nell’s. Meat Loaf poursuit encore aujourd’hui une carrière musicale. Le rôle d’Eddy ne sera qu’une parenthèse. On le reverra pourtant en 1999 dans Fight Club.
King Kong contre les Trifids
On parle beaucoup de série B, pour tout ce qui gravite autour de RHPS, et il est vrai que c’est bien là le moteur du film. L’atmosphère, les dialogues, l’histoire... la toile de fond du film est tissée de séries B. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg, et le métrage tout entier n’est que clins d’œil, allusions, infimes détails qui ne changent rien à l’histoire mais en décuplent la saveur lorsqu’on les décrypte.
Sweet-transvestites, un site très complet consacré au film, analyse toutes ces références. Pour la plupart, elles se trouvent concentrées dans Science-fiction/double feature la première chanson, celle du générique, interprétée par la bouche superbe de Patricia Quinn. Tout est en place dès les premières minutes, puisque cette chanson est une sorte d’inventaire des films et acteurs qui, de près ou de loin, inspirent le film. Michael Rennie, Steeve Reeves, Faye Wray, Claude Rains, ne sont autres que les "grands noms" de la série B. Sans entrer dans les détails, ces acteurs sont les héros de films tels que King Kong, Le jour où la terre s’arrêta, L’homme invisible, ou L’invasion des trifids, qui fit un tabac en Grande-Bretagne dans les années 60.
Juste après la naissance de Rocky, Frank N.Furter chante I can make you a man, une chanson entièrement consacrée à Charles Atlas. Le début de la chanson raconte la véritable histoire de cet homme : petit et malingre, il est un jour bousculé et humilié par un athlète de plage, devant sa fiancée, qui le plante là illico. Il prendra sa revanche en mettant au point une méthode de musculation dont le slogan est précisément In seven days I can make you a new man ! Bien d’autres références émaillent le film, parmi lesquelles on peut citer Massacre à la tronçonneuse, ou encore Dr Folamour... Le plaisir est bien sûr d’aller les chercher soi-même ! Mais pour ça, il faut voir le film souvent... très souvent !
Sex, drug and rock’n roll
- © 20th Century Fox
S’il est vrai que le RHPS rassemble tous les poncifs du genre, on ne peut pas oublier qu’il se revendique avant tout film d’horreur.
Mary Shelley et Bram Stoker n’y retrouveraient sans doute pas leurs petits, et pourtant... le RHPS est bel et bien le fils naturel de Dracula et Frankenstein, et ce n’est sûrement pas Frank N. Furter qui renierait cette filiation ! Tout d’abord le nom lui-même, qui évoque le célèbre docteur, puis l’arrivée des héros au château, sur l’air de Over at the Frankenstein place, Eddy, avec sa cicatrice à travers le front, et évidemment, la créature, qui - la cerise sur le gâteau - répond au doux nom de Rocky, la pierre, en allemand Stein ! Dracula, lui, est présent par la galaxie d’origine, Transylvania, et tout ce qui va tourner autour de la thématique du vampire, à travers les registres du sexe et de la drogue, qui s’imposent comme des substituts au sang originel. Le film aborde "les trois sujets fondamentaux" : sex, drug and rock’n roll, et pour s’en tenir aux deux premiers, tous les personnages n’y ont pas accès de la même façon. Le sexe est clairement l’apanage de Frank N. Furter. Il est le seul, dans le château, à pouvoir avoir des relations sexuelles, avec qui il veut. Les autres ne sont que ses objets de plaisir, qu’il prend et jette comme bon lui semble. "You chew people up and then you spit them out." Lorsqu’ils sont reniés, ils doivent trouver leur plaisir par d’autres moyens, et la drogue est le plus évident. On trouve cette dimension dans la révolte de Columbia, à la fin du film (Rose tint my world) : "Now the only thing that gives me hope / Is my love of a certain dope", mais les allusions commençaient déjà au début du film : "Flow Morphia slow, let the sun and light come streaming into my life", chante Riff Raff, et Frank, perfide, confie à Brad, dans Sweet Transvestite : "When you knocked he thought you were the candyman". La drogue est donc un substitut du sexe, et par extension, de Frank. Lorsque Janet succombe aux charmes de Rocky, elle s’exclamera : "I’ve tasted blood and I want more". Elle a transgressé l’interdit et se pose ainsi en rivale directe de Frank, non pas dans sa relation à Rocky mais dans son identité même, puisque Janet sait maintenant qu’elle aussi peut se nourrir des autres.
"Come up to the lab"
Il serait illusoire de vouloir faire le tour de ce film. La mise en scène peut parfois sembler un peu dilettante, mais elle n’en dissimule que mieux la véritable complexité. Le RHPS regorge de tiroirs secrets, doubles fonds, poupées gigognes... C’est un film à mille niveaux que l’on pourrait presque décrypter image par image (certain l’ont fait !). Les sites qui lui sont consacrés ne se comptent plus, s’intéressant aux détails les plus insolites. Pas d’inquiétudes : vingt-cinq ans après, on en découvre encore !
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