Le 10 septembre 2015
Un beau film amer et glaçant qui met au jour les frustrations d’une Angleterre confite dans son hypocrisie.
- Réalisateur : Alastair Reid
- Acteurs : Patricia Neal, Pamela Brown, Nicholas Clay, Jean Anderson, Graham Crowden
- Genre : Drame, Thriller, Épouvante-horreur
- Nationalité : Britannique
- Durée : 1h36mn
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Un beau film amer et glaçant qui met au jour les frustrations d’une Angleterre confite dans son hypocrisie.
L’argument : La vie de célibataire d’âge mûr de Maura Prince prend une tournure inattendue lorsqu’elle rencontre le bricoleur Billy Jarvis, un homme étrange et émotionnellement instable. Pendant ce temps, un tueur en série est pris de folie dans la campagne, il viole et tue des femmes avant d’enterrer leur cadavre au bord de la route...
Notre avis : Écrit par Roald Dahl pour donner un rôle sur mesure à sa femme, Patricia Neal, victime d’une rupture d’anévrisme, The Night digger a connu un tournage mouvementé, avec des colères du scénariste et du génial compositeur Bernard Herrmann, et une distribution confidentielle. L’échec du film l’a fait sombrer dans un oubli immérité, tant sa noirceur et le malaise qu’il engendre lui confèrent un charme vénéneux qui évoque aussi bien les œuvres gothiques de la Hammer que Psychose d’ Hitchcock ou Théorème de Pasolini. Avec l’introduction d’un élément étranger, le jeune Billy, dans le monde clos d’un village anglais, et surtout la maison gothique et délabrée dans laquelle vivent Maura et sa mère aveugle, Alastair Reid, cinéaste essentiellement connu pour ses réalisations télévisuelles, travaille l’atmosphère et la difficile mise en scène de la frustration. Certes, le scénario n’y va pas de main morte, qui fait de quasiment tous les personnages des frustrés : le pasteur et son horrible femme, le voisin qui se délecte des détails du meurtre, ou la vieille amie émoustillée par un changement de sexe inventé. Mais c’est surtout à Maura, emprisonnée dans cette demeure-musée, et à Billy, dont des flash-back un peu lourdauds nous révèlent les problèmes, que Reid s’attache. Sa force est alors de créer par des moyens purement cinématographiques l’ambiance trouble qui baigne le film ; les gros plans sur le cuir ou le phare de la moto, qui joueront un rôle dans la partie la plus noire, les fréquents décadrages, les contre-plongées intérieures, les obstacle visuels, sont autant de signes d’un univers qui bascule dans le dérèglement pulsionnel.
Évidemment Roald Dahl en profite pour faire le portrait saignant de l’Angleterre reculée, corsetée dans ses principes et sa bienséance ; mais, à l’image de la maison au centre du film, cette Angleterre prend eau de toute part. Minée de l’intérieur, elle n’attend que Billy pour éclater : pur objet sexuel d’un côté, violeur meurtrier de l’autre, il dynamite les conventions et permet à Maura de se révéler. Les séquences finales, dans un paradis retrouvé, portent l’ironie à son comble : aussi isolé soit-on, le mal rôde et se manifeste partout. Il est consubstantiel au jeune homme, dont le désir irrépressible contamine n’importe quel lieu.
Subtilement, mais de manière encore ironique, Reid filme une Angleterre de carte postale, avec couchers de soleil, clocher sur ciel bleu et verts pâturages. C’est pourtant sous une pluie battante que s’ouvre le film, avec en montage parallèle la vie terne de Maura et le parcours motorisé de Billy, l’envoyé diabolique. Leur association commence par des obstacles, du rideau de pluie à la porte vitrée pour se transformer en une domination perverse et mutuelle : elle lui prépare ses cigarettes, quasiment à ses pieds, mais elle le protège maternellement dans ses moments d’angoisse. De ce lien magnifiquement tissé découle avec une froide logique une tragédie montrée sans excès, avec une retenue qui passe par les gros plans sur les visages plus que par les dialogues.
Alastair Reid excelle dans la montée de la tension, dans la multiplication des indices, qui nous touchent aujourd’hui davantage que les audaces de l’époque. Mais il s’appuie aussi sur un trio d’acteurs solides, dont les nuances de jeu instaurent un rapport sadomasochiste trouble qui ne peut se dénouer que par la mort. Nicholas Clay, buté et imprévisible, Pamela Brown en mère tyrannique et Patricia Neal en fille soumise et frustrée incarnent sobrement les divers aspects de cette Angleterre sur le point d’exploser. Ils portent le film mais font jeu égal avec la maison surchargée et en triste état. Elle est la métaphore de l’évolution de Maura : froide, abîmée, elle s’anime et retrouve des couleurs sous l’impulsion de Billy.
De ce film à la violence toute psychologique, on retiendra aussi la précision des cadrages qui ne cessent de scruter les rapports entre les personnages, visualisant les dissimulations, les observations et les réactions presque imperceptibles. Reid investit la demeure pour en faire un lieu complexe envahi par l’humidité et la végétation. Au détour d’un plan, une tache sur le mur, une vitre brisée, sonnent comme les signes d’un délabrement réel autant que symbolique. Cette attention aux détails n’est pas la moindre qualité de ce film atypique, sombre et amer, dont la fin ne dissipe pas le malaise tenace qu’il procure.
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