Déchéance artistique
Le 14 décembre 2018
Rupert Everett était convaincu d’être un acteur capable d’incarner un grand auteur, et de pouvoir faire tenir un film sur sa seule interprétation. Il avait tort. Oscar Wilde méritait tellement mieux !
- Réalisateur : Rupert Everett
- Acteurs : Tom Wilkinson , Emily Watson, Colin Firth, Rupert Everett, Colin Morgan
- Genre : Drame, Biopic, LGBTQIA+
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Océan Films
- Durée : 1h45mn
- Date télé : 9 janvier 2023 22:50
- Chaîne : OCS City
- Date de sortie : 19 décembre 2018
- Festival : Festival de Sundance 2018
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Résumé : À la fin du XIXe siècle, le dandy et écrivain de génie Oscar Wilde, intelligent et scandaleux brille au sein de la société londonienne. Son homosexualité est toutefois trop affichée pour son époque et il est envoyé en prison. Ruiné et malade lorsqu’il en sort, il part s’exiler à Paris. Dans sa chambre d’hôtel miteuse, au soir de sa vie, les souvenirs l’envahissent… Est-ce bien lui celui qui, un jour, a été l’homme le plus célèbre de Londres ? L’artiste conspué par une société qui autrefois l’adulait ? L’amant qui, confronté à la mort, repense à sa tentative avortée de renouer avec sa femme Constance, à son histoire d’amour tourmentée avec Lord Alfred Douglas et à Robbie Ross, ami dévoué et généreux, qui a tenté en vain de le protéger contre ses pires excès ? De Dieppe à Naples, en passant par Paris, Oscar n’est plus qu’un vagabond désargenté, passant son temps à fuir. Il est néanmoins vénéré par une bande étrange de marginaux et de gamins des rues qu’il fascine avec ses récits poétiques. Car son esprit est toujours aussi vif et acéré. Il conservera d’ailleurs son charme et son humour jusqu’à la fin : « Soit c’est le papier peint qui disparaît, soit c’est moi… »
Critique : Voilà près de vingt ans que le nom de Rupert Everett n’a plus sa place sur les affiches des grosses productions, qu’elles soient britanniques ou américaines. Pour rappel, le cliffhanger de sa carrière remonte à la fin des années 90, quand il incarnait le sympathique sidekick dans Le Mariage de mon meilleur ami ou bien encore le méchant dans L’inspecteur Gadget. Depuis, à côté de quelques films -rarement des succès, et dans lesquels il joue régulièrement des rôles mineurs-, l’acteur anglais a surtout refait parler de lui quand, en 2010, il déclarait dans une interview que c’est à la suite de son coming out qu’il s’est vu blacklisté à Hollywood. Il a également poursuivi sa carrière au théâtre, sur les planches londoniennes, et notamment dans la pièce The Judas Kiss dans laquelle il incarnait Oscar Wilde alors qu’il était condamné à la prison pour avoir pratiqué la sodomie avec le fils d’un aristocrate. Un rôle dont on comprend aisément qu’il lui permettait de poursuivre sa dénonciation de l’ostracisation des homosexuels. Le défi qu’il s’est lancé en s’essayant pour la première fois à la réalisation était donc de conserver ce rôle dont on comprend qu’il lui tienne personnellement à coeur.
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De se consacrer aux trois années qui suivirent cette incarcération jusqu’à la mort du célèbre dandy était assurément un défi d’interprétation d’autant plus difficile que celui-ci était alors dans un état de grave dégénérescence tant physique que spirituelle. Force est de constater que Rupert Everett ne parvient jamais à rendre concrète l’évolution intellectuelle de son personnage. Faute à son jeu, qui se limite trop souvent à une unique grimace forcée, mais aussi à la structure non linéaire de son scénario. La superposition des flashback ne lui permet en effet pas d’explorer pleinement les contradictions de cet homme de lettres et moins encore la façon dont le traumatisme qu’a été son humiliation publique pèse sur son inspiration artistique. Cette thématique, pourtant potentiellement passionnante, est passée à la trappe au profit d’une succession de scènes qui nous permettent uniquement d’observer l’hédonisme autodestructeur de l’auteur déchu. Aucune finesse. Sur la forme, le manque d’expérience du réalisateur se ressent dans son usage d’effets aussi criards qu’une alternance d’images surexposées et sous exposées, ou encore au recours à un atroce étalonnage jaunâtre censé figurer l’éclairage à la bougie. Dans cette imagerie, aussi artificielle qu’archaïque, la finesse n’est pas non plus au rendez-vous.
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Mais surtout, là où la réalisation s’accorde parfaitement au scénario, c’est dans le centrage constant sur Oscar Wilde, et donc sur Everett lui-même. L’acteur-réalisateur qui s’est donné le rôle principal, et qui fait peser sur son propre film le poids de son cabotinage poussif et déclamatoire, y est en effet omniprésent. Il n’est donc pas difficile de voir là un pur exercice de narcissisme. La présence au casting de quelques noms populaires, parmi lesquels Colin Firth, Emily Watson ou bien même Béatrice Dalle et Hugh Dancy, n’est qu’un trompe-l’œil tant leurs rôles sont tous purement accessoires et le nombre de leurs répliques réduit au plus strict minimum. Qu’il s’agisse de ses amants, de ses amis ou de sa famille, aucun des personnages secondaires qui entourent l’auteur du Portrait de Dorian Gray, n’a le temps d’exister. Certains excès dans l’écriture riche en stéréotypes emphatiques de Rupert Everett vont même jusqu’à donner une odieuse représentation complaisante de la misère de l’époque. Quant à son combat personnel, qu’est de persuader que c’est une prétendue homophobie des grands studios qui l’aurait injustement empêché de devenir une star, il n’aura finalement réussi qu’à nous confirmer que c’est avant tout son manque de talent, mais aussi un peu d’arrogance, qui ont mis un coup de frein à sa carrière internationale.
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