Court exercice de mémoire
Le 25 mars 2012
Evocation du siège de Sarajevo, ce court-métrage documentaire refuse la complaisance au profit d’une narration intimiste où les fantômes du passé se heurtent à la présence des images
- Réalisateur : Igor Drljaca
- Genre : Documentaire, Court métrage
- Nationalité : Canadien, Bosniaque
- Durée : 9mn
- Titre original : Kako Sam Zapalio Simona Bolivaria
- Plus d'informations : La page du cinéaste
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- Festival Cinéma du Réel 2012
Evocation du siège de Sarajevo, ce court-métrage documentaire refuse la complaisance au profit d’une narration intimiste où les fantômes du passé se heurtent à la présence des images
L’argument : En montant les vidéos tournées par son père au moment du déclenchement de la guerre de Bosnie, Igor Drljaca raconte le surgissement incongru de l’Histoire dans sa vie d’enfant.
Notes sur le cinéaste : Né en 1983 à Sarajevo, Igor Drljaca émigre au Canada en 1993 après le déclenchement de la guerre en Bosnie. Diplômé en cinéma de l’université de York, il réalise plusieurs courts-métrages de fiction, dont On a Lonely Drive (2009) ou Woman in Purple (2010). Son travail artistique aborde de nombreux thèmes comme l’enfance et la mémoire. The Fuse : Or How I Burned Simon Bolivar est son premier film documentaire.
Notre avis : “Peindre l’arrivée du printemps” : cette consigne, donnée par le professeur de dessin au jeune Igor, constitue le point de départ du film, qui se veut une évocation personnelle des premiers jours du siège de Sarajevo. En effet, face à la crainte d’une mauvaise note, l’enfant en vient à espérer qu’un événement tragique le délivre du poids de cette humiliation… jusqu’à l’événement tragique que l’on sait. Mais ne nous y trompons pas : si didactisme il y a dans The Fuse, c’est seulement sous la forme détournée, presque parodique, d’une morale relativiste que s’adresse l’enfant à lui-même, et par laquelle il replace dans son contexte la crainte immodérée d’une mauvaise note.
Pour le reste, nulle lourdeur ne vient plomber cet exercice de montage parfaitement maîtrisé et qui fait preuve d’une finesse touchante lorsqu’il s’essaie à restituer la crainte impalpable du siège, perçu à la fois dans toute sa gravité (images parfois violentes : celle d’un chien mourant, puis de l’exil) et avec la distance critique que suppose l’entreprise dont il est question - puisque les images ont été filmées bien avant leur montage.
D’une redoutable complexité, le conflit qui eut lieu en Bosnie donne souvent lieu à d’abusives simplifications : Angelina Jolie l’a récemment montré dans le film qu’elle a consacré au sujet. On rappellera par exemple, à défaut de pouvoir entrer dans l’analyse, que le conflit n’a pas opposé deux mais au moins trois minorités (Serbes, Croates, Musulmans, sans compter les dissensions internes entre ces derniers). Les civils de tous bords ayant été la principale cible de ce conflit interminable, bien malin celui qui saura distribuer les torts entre les populations... L’auteur de ces lignes ne s’y risquera pas.
Si The Fuse m’a ému, c’est parce que le point de vue du narrateur adulte semble focalisé sur ce moment où l’enfance a cessé d’être. Le traumatisme, perceptible dans la voix heurtée du cinéaste, restitue toute la douleur de ce passage imposé du mythe enfantin à l’histoire. D’un monde où les petits riens causent des craintes immodérées, à un autre où l’histoire, dans ce qu’elle peut avoir de plus cruel et d’implacable, impose ses lois. L’ensemble est en tout cas d’une finesse particulièrement salutaire en ces heures où la surenchère médiatique la plus racoleuse nous fait confondre la bienveillance et l’empathie.
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