Extension du domaine de la méditation
Le 27 novembre 2019
Docu-fiction poétique et savoureux qui lie la méditation à la réflexion sociale, Tenzo permet à Katsuya Tomita de mettre nouvelle fois son art de la mise en scène au service de l’acuité de son regard.
- Réalisateur : Katsuya Tomita
- Acteurs : Chiken Kawaguchi, Shinko Kondo, Ryugyo Kurashima, Shuntou Aoyama
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Survivance Distribution
- Durée : 1h03
- Date de sortie : 27 novembre 2019
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Résumé : Chiken et Ryûgyô sont deux bonzes de l’école bouddhiste Sôtô. Ils se sont connus pendant leur apprentissage spirituel. Chiken, qui vit avec sa femme et son fils à Yamanashi, s’investit dans la prévention du suicide et dispense les préceptes d’une alimentation végétale et zen. À Fukushima, Ryûgyô, seul, fait face aux ravages du tsunami. Son temple détruit, il travaille au déblaiement de la région et accompagne les victimes relogées en préfabriqués.
Notre avis : Représentant de la nouvelle génération du cinéma japonais, Katsuya Tomita se distingue par un parcours qui force l’admiration : ouvrier manutentionnaire et chauffeur routier, devenu réalisateur sur son temps libre, il n’a de cesse de surprendre son spectateur. Après avoir filmé des yakuzas dans Above the Clouds, des petites frappes dans Off Highway 20, des rappeurs d’origine brésilienne dans Saudade et des prostituées thaïlandaises dans Bangkok Nites, il prend le contrepied de ses précédentes réalisations en mettant en scène, dans Tenzo, des bonzes confrontés à la crise que traverse la société japonaise de l’après-Fukushima : lui-même issu d’une famille de moines zen, il donne à voir, contre toute attente, des êtres qui, malgré l’apparente quiétude de leur monastère, se retrouvent en prise directe avec le réel. De fait, la catastrophe de Fukushima, dont le film montre les stigmates, a mis leur sérénité et leurs convictions à rude à l’épreuve.
- Copyright : Survivance
Inspiré d’histoires vraies et interprété par de véritables bonzes, le film se place, par sa structure composite et sa forme hybride, à la croisée du documentaire et de la fiction. Entrelaçant saynètes scénarisées et entretiens filmés, Katsuya Tomita y brosse, en à peine plus d’une heure, le portrait en miroir de deux moines de l’école Sôtô, l’un des principaux courants zen du Japon, dont la spécificité est de ne pas dédier la vie de ses bonzes à la contemplation, mais de leur faire prendre une part active à la société, jusqu’à leur faire exercer des activités que l’on pourrait considérer comme prosaïques et triviales.
- Copyright : Survivance
Le premier, Chiken, appartient à l’univers du documentaire, puisqu’il s’agit du cousin du réalisateur qui interprète son propre rôle : mais ce dernier joue des scènes de fiction qui le montrent jonglant, parfois tant bien que mal, entre sa vie de famille, son engagement pour la prévention du suicide et la préparation scrupuleuse de l’alimentation dans son temple - il est, en effet, le tenzo, le préposé aux repas, du titre. Devenu bonze, comme c’est la tradition au Japon, par succession paternelle, alors même qu’il refusait cet héritage dans Saudade, il s’interroge sur le sens de sa vie monacale dans le monde moderne et décide de marcher sur les pas du fondateur de l’école.
- Copyright : Survivance
Le second, Ryûgô, appartient au monde de la fiction, dans la mesure où il s’agit d’un personnage, même s’il est incarné par un bonze et qu’il est inspiré d’un autre véritable moine, qui s’est suicidé depuis. Resté seul à Fukushima après la destruction de son temple et devenu ouvrier sur des chantiers de déblaiement, il aide les sinistrés du tsunami à se reloger, au prix de son propre équilibre psychique : Tomita le montre ainsi, vomissant sous une enseigne frappée du kanji « zen », après avoir abusé d’un saké baptisé Kokken, c’est-à-dire « pouvoir national ». Car, pour le réalisateur, les décombres qui jonchent Fukushima ne sont pas une accident mais le point d’aboutissement d’une société japonaise édifiée en dépit de la nature et de l’être humain.
- Copyright : Survivance
Chapitré du nom de six saveurs de la cuisine japonaise, Tenzo, qui n’aurait pu être qu’un film de commande, est avant tout une œuvre poétique. Sobre et efficace, il s’emploie à éclairer le monde grâce à la lumière de la pensée philosophique bouddhique : aussi le long-métrage s’achève-t-il sur un zen-mondo de la nonne Shunto Aoyama, quatre-vingt-six ans et figure tutélaire du temple, qui pense que seule la rébellion peut permettre une pratique authentique et rappelle l’interdépendance entre les choses et les êtres. Une leçon que saura retenir le spectateur.
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