Le 2 mai 2023
Sans polémique ni parti pris, Ève Duchemin rend compte des dégâts collatéraux infligés aux familles de ceux qui sont condamnés à une peine de prison.
- Réalisateur : Ève Duchemin
- Acteurs : Issaka Sawadogo, Johan Leysen, Karim Leklou, Jarod Cousyns
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h58mn
- Date de sortie : 3 mai 2023
- Festival : Festival RAM DAM - le festival qui dérange 2023
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Résumé : Pour la première fois depuis longtemps, trois détenus se voient accorder une permission d’un week-end. 48h pour atterrir. 48h pour renouer avec leurs proches. 48h pour tenter de rattraper le temps perdu.
Critique : Quelque peu déconcertée par la propension de nos sociétés modernes à ranger chacun de ses citoyens dans des catégories et à oublier que nous sommes tous multiples, la réalisatrice belge Ève Duchemin prend plaisir à scruter la complexité et les contradictions des êtres qu’elle rencontre. C’est ainsi qu’elle multiplie documentaires et courts-métrages où usines à l’arrêt, mines fermées et piquets de grève se disputent la vedette. Sa rencontre avec la directrice d’une prison pour hommes l’incite à aller voir ce qui se passe de l’autre côté de ces hauts murs, histoire de prendre le pouls de notre monde. Bien loin de se lancer dans une diatribe pour ou contre la prison, elle nous invite, à travers trois parcours totalement différents, à découvrir la déflagration de l’incarcération et ses conséquences sur des êtres humains éloignés de la réalité depuis trop longtemps.
- Copyright Pyramide distribution
Les premières images restituent dans toute sa brutalité le vacarme de la prison avec l’ouverture et la fermeture incessante de lourdes portes, les alarmes, les appels des détenus. Puis, brusque changement de décor et de sons pour ceux qui sortent mais continuent à être imprégnés de ces bruits même quand ils sont dehors. Comment vont-ils, ne serait-ce que le temps d’un week-end de permission, pouvoir retrouver leur place parmi leurs semblables ? Tel est le cœur du sujet de ce premier long-métrage d’Ève Duchemin.
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Hamousin, Anthony et Colin, de générations et d’origines socio-culturelles différentes, ne se connaissent pas et n’ont qu’un seul point commun : sortir de la même prison, le même jour. D’ailleurs, leurs routes ne se croiseront jamais. Personne n’attend Hamousin, un Africain taciturne, magistralement interprété par Issaka Sawadogo tout de pudeur et de dignité. Après vingt ans d’emprisonnement, ce solide quinquagénaire doit signer un contrat de travail, condition sine qua non à sa sortie définitive, et surtout tenter de renouer des liens effilochés avec sa famille. Anthony (le touchant Karim Leklou dans un rôle qui lui permet d’exprimer toutes les nuances de sa sensibilité), lui, est accueilli chaleureusement par sa mère, bouleversée et bouleversante. Mais ses retrouvailles avec le reste de sa famille et particulièrement son fils révèlent toute l’étendue des tensions intrafamiliales. Quant à Colin (Jarod Cousyns, un nouveau venu plein de fougue et d’authenticité), coincé entre ses copains prêts à le faire renouer avec ses mauvais penchants et les sentiments contradictoires de sa mère et de sa sœur à son égard, sa réinsertion s’annonce chaotique.
Aucun indice ne filtrera sur les raisons de l’emprisonnement de ces trois personnages. Le récit se limite à constater les faits sans émettre le moindre jugement, et laisse ainsi toute latitude au spectateur d’afficher sa préférence (ou son rejet) pour l’un ou l’autre de nos anti-héros. D’autant que la caméra les filme au plus près, de manière à mieux les comprendre, étape essentielle pour mesurer combien, malgré leurs forfaits, ils sont avant tout des hommes parmi tant d’autres avec une vie, un passé et une famille. Déroulant avec habileté la liste des émois que de telles situations génèrent (affection et embarras, compassion et honte, soutien et rejet), la scénariste réalisatrice fait évoluer notre point de vue sur ces hommes empêtrés entre souffrances et regrets et les revêt d’une part d’humanité en leur accordant un autre statut que celui de méprisables détenus.
Un film fort et sans concession qui ouvre la réflexion sur le bien-fondé de notre organisation carcérale.
- © Pyramide Distribution
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