Habanera
Le 2 novembre 2004
Destins épars, un portrait de Cuba aussi déconcertant qu’émouvant.


- Réalisateur : Fernando Pérez
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Cubain

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– Durée : 1h20mn
Destins épars, un portrait de Cuba aussi déconcertant qu’émouvant.
L’argument : Dix personnages de tous les âges et toutes les origines, à partir desquels va se dessiner le portrait sans parole d’une ville.
Notre avis : Fernando Pérez cultive le paradoxe : un film muet pour dire la musique d’une ville, en dix partitions. Dix personnages dont on suit les pas tout au long d’une unique journée. Quelques heures pour faire surgir une ville de ces destins épars, pour faire naître une émotion au-delà de la parole. Un écolier, une marchande de cacahuètes, un employé de l’hôpital, une ouvrière, un médecin... Tous survivent tant bien que mal, dans la cacophonie urbaine qui enfle la bande son jusqu’à en devenir insupportable. Puis la journée avance, de petits gestes en rencontres, au rythme de ces portraits croisés et du soir qui tombe. La nuit est celle des métamorphoses. Le laveur de linge devient drag-queen, le poseur de rails saxophoniste, les rêves prennent vie pour un instant d’éternité.
Cette suite n’a rien du easy listening. Elle déconcerte, énerve, interroge. L’absence totale de dialogues installe au début une sorte de malaise, d’attente, de manque. Puis on s’y fait, on s’attache aux personnages, un peu à distance, pourtant, sans y adhérer vraiment. C’est dans les dernières minutes du film qu’arrive l’émotion, comme une bouffée irrépressible, comme la pièce qui manquait au puzzle. Ces dernières minutes, balancées entre espoir et bilan de vie, gonflent subitement les personnages d’une existence palpable, d’une vérité. On en sort un peu vacillants, sous le choc.
Suite Habana a explosé les records d’entrées à Cuba. Des vies ordinaires, dans lesquelles chacun a trouvé un peu de soi-même. Primé en 2003 au festival de San Sebastián, le film de Fernando Pérez est une preuve de plus que le cinéma cubain existe, et qu’il se porte bien.