Sparring - la critique du film

Critique : La boxe a largement inspiré les cinéastes du monde entier. Personne n’a oublié le désormais cultissime Rocky (1976), pas plus que le poids lourd multi-oscarisé en 1981 de Martin Scorsese, Raging Bull. Sparring, s’il joue dans une catégorie plus modeste, n’en demeure pas moins un film prenant nous invitant sous un angle inédit à découvrir l’univers des boxeurs plutôt que celui de la boxe.
Alors que sa carrière de comédien est au point mort et qu’il accueille son premier enfant, Samuel Jouy s’interroge sur les capacités d’un père en situation de déroute professionnelle à transmettre l’essentiel des valeurs sociétales à sa progéniture. Il décide alors de passer pour la première fois derrière la caméra et, nourri de ses propres doutes, rend un hommage vibrant à ces ouvriers de l’ombre dont tout le monde se moque mais sans qui rien ne serait possible. Ces derniers sont symbolisés par la figure d’un boxeur qui n’a jamais connu la gloire et ne la connaîtra jamais, mais qui, pourtant, conserve assez d’élégance pour respecter ceux qui ont le don qui lui manque, et de passion pour accepter de se mettre à leur service.

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Car malgré les difficultés de la vie, Steve est avant tout ce que l’on appelle un mec bien, un de ces anonymes parmi tant d’autres, sans doute considéré comme un loser dans son métier, mais qui met un point d’honneur à ne jamais se plaindre et surtout à ne jamais faire supporter à sa famille le poids de ses échecs. Bien au contraire, c’est pour elle qu’il veut briller et tout particulièrement pour sa fille qui est toute sa vie. La gamine prend des cours de piano qu’il peine à payer. Son professeur prétend pourtant qu’elle est douée (aurait-elle donc ce don qui lui fait défaut à lui ?). Alors, il se met en tête de lui offrir l’instrument qui lui permettra de se perfectionner. Sa femme ne manque pas de lui rappeler qu’il y a sans doute dépenses plus urgentes. Déterminé à réunir la somme nécessaire et malgré les mises en garde de sa femme qui craint pour sa santé, il accepte un poste de sparring partner (un boxeur professionnel de seconde zone amené à s’opposer à un sportif sur-motivé en préparation de match, afin de le faire progresser), réputé plus dangereux que le combat lui-même.
Samuel Jouy parvient à trouver un juste équilibre entre la violence du monde de la boxe (les entraînements, la préparation aux combats, la solitude du sportif, ses états d’âme) et la protection parfois mise à mal du cocon familial brinquebalé selon les circonstances entre gêne et fierté, honte et amour, imprégnant son récit d’une profonde authenticité renforcée par des plans saisis sur le vif qui donnent l’impression que les comédiens ont été filmés à leur insu.

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Matthieu Kassovitz, d’une sobriété absolue, apporte une part d’humanité inattendue à cet homme abîmé mais résistant que sa dignité et son courage rendent définitivement attachant. La jeune comédienne qui lui donne la réplique éclaire le film d’une intensité vraie et l’on ne doute pas un seul instant de la véracité du couple qu’ils forment. Enfin, désireux d’apporter un air de nouveauté à son casting, Samuel Jouy a la bonne idée de confier le rôle féminin à la chanteuse (et compositrice de la musique du film) Olivia Merilahti, peu connue au cinéma, et d’engager le boxeur Souleymane M’Baye, pour se glisser dans la peau du champion. L’un et l’autre nous régalent de leur spontanéité.
Animé de sentiments forts, Sparring est un film profond et puissant qui affirme de manière universelle qu’il existe bon nombre de perdants admirables. La fin qui dresse la (longue) liste de ceux qui connurent plus de défaites que de victoires le confirme.