Sous le ciel de Tokyo... T.1 - La chronique BD

La Seconde Guerre mondiale fait rage en Europe depuis 1939, mais elle débute seulement dans le Pacifique en 1943. Shirakawa est un pilote expérimenté basé en Birmanie, à qui l’aviation impériale japonaise va demander de rentrer au bercail comme testeur des prochains modèles. Face aux avancées technologiques américaines, les ingénieurs sont dépassés, et Shirakawa ne peut que constater les dégâts, qui ne sont pour l’instant qu’à venir... Ce retour lui permet d’habiter à nouveau avec sa femme dans leur foyer de la banlieue de Tokyo, où une vie dans l’attente de la guerre s’installe de manière plutôt tranquille. Sous le ciel de Tokyo s’ouvre comme une série consacrée aux avions, qui sont décrits, détaillés et dépeints avec un souci confondant. Mais les premiers raids contre l’ennemi laissent rapidement place à un entraînement confortable, avec ses dangers comme l’altitude ou la neige, mais sans la tension permanente du combat. De fait, la guerre est en fond de ce premier tome, jamais visible, mais souvent audible, menaçante. Si les avions sont l’inquiétude numéro une de l’auteur, le réalisme ne s’arrête pas là : il a clairement voulu retranscrire le quotidien d’une nation en guerre, qui s’attend à voir débarquer l’ennemi malgré la propagande et les rumeurs. La force de ce manga provient de cet autre perplexité, celle de la vérité historique : les dialogues sont agrémentés de résumés sur les batailles historiques, les enjeux technologiques et les contre-vérités de la propagande japonaise qui polluent à ce moment là le ciel de Tokyo. Avec sa femme, le pilote forme un couple très attachant. Entre un militaire pragmatique et sympathique et sa femme bienveillante et piquante, le duo forme la clef de voûte de l’œuvre qui voit petit à petit d’autres personnages émerger, mais sans jamais leur faire de l’ombre.

© Delcourt

Le dessin est à la fois saisissant de réalisme et touchant, grâce à des petits sourires discrets, des gestes attentionnés. Il n’est pas difficile de comparer ce ton et cette trame au dernier Miyazaki, Le Vent se lève, avec une connotation de pilote en plus et de poésie en moins, le ton tragique ne s’y trouvant pas, du moins pas, en attendant les prochains tomes qui pourraient être douloureux... Tout y est rendu avec une volonté de réel évident, et les amateurs d’avions militaires seront servis, tant les dessins ressemblent à des photographies en noir et blanc. Vêtements d’époque, uniformes militaires et civils et repas typiques sont également des éléments qui ont leur importance, notamment pour achever de donner un côté historique à l’ouvrage.

© Delcourt

Avec ce premier tome clairement réussi, grâce à son sérieux historique et son intimité du quotidien, Sous le Ciel de Tokyo... invite à une suite dans le même ton. Toutefois, la guerre se rapprochant, il se pourrait que les personnages et le ton évoluent, mais ce sera sans aucun doute pour le mieux.