Le 28 avril 2004


Un exercice de virtuose où sur les neiges du Wisconsin se peignent les passions et les drames.
On connaissait Larry Watson à travers deux textes courts et éclatants, Montana 1948 et Justice. Il délaisse ici l’obscurité des secrets de famille pour un exercice de virtuose où sur les neiges du Wisconsin se peignent les passions et les drames.
Dans un village paralysé par la neige et le qu’en dira-t-on, un couple se défait inexorablement autour de la blessure à jamais béante de la mort d’un enfant. La douleur de la perte exacerbe, pour Sonja, celle du déracinement de sa Norvège natale. Un peu plus loin, un autre couple se déchire. Ned Weaver est en train de devenir un des peintres les plus importants des États-Unis. Dans son ombre, Harriett, qui fut son modèle, absout ivresses et infidélités dans une indéfectible admiration. Sonja posera pour le peintre, pour de l’argent, et bien d’autres choses, qu’elle peine à s’avouer à elle-même.
Larry Watson est entré en littérature un peu sur le tard, et on a le sentiment, avec ce troisième roman, de le voir passer à une autre dimension. Montana 1948 reste un texte d’une beauté et d’une force exceptionnelles, mais Sonja à la fenêtre délaisse le récit linéaire des précédents romans, pour élaborer un superbe travail de structure. Le parallèle vient tout naturellement, et un peu facilement, avec l’art du peintre. Mais il est vrai que Watson joue de sa plume comme d’un pinceau, peaufinant çà et là un détail, revenant sur une scène juste esquissée, superposant les plans pour parfaire la perspective. Au centre de la toile, Sonja, libre et solitaire, farouche et déterminée, livre sa nudité avec l’impudeur de l’innocence au seul homme capable de la regarder. Elle va surmonter son chagrin et sa détresse simplement en se sentant exister dans le regard de Ned, jusqu’à comprendre le sens qu’elle veut donner à sa vie.
Watson exprime le non-dit avec une puissance infiniment pudique et trace, tout en nuances, d’exceptionnels portraits de femmes. Sonja est son plus beau modèle.
Sonja à la fenêtre, Larry Watson (Orchard, traduit de l’américain par Pierre Furlan), Belfond, 2004, 321 pages, 19 €