Le 7 juin 2021
Le cinéaste Artemio Benki, décédé hélas en 2020, laisse une œuvre ultime, empreinte d’humanité et de sensibilité où seul l’art est capable de transcender la maladie psychiatrique.
- Réalisateur : Artemio Benki
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Autrichien, Argentin, Tchèque
- Distributeur : Nour Films
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 30 juin 2021
- Festival : Festival de Cannes 2019, ACID 2019
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Martín, pianiste virtuose et compositeur argentin, sort d’un séjour à l’hôpital psychiatrique. Absorbé par la création de sa prochaine œuvre, il tente de faire face à sa maladie et de retrouver une vie en société. Avec la perspective, un jour peut-être, de jouer à nouveau devant un public.
Critique : On a l’habitude en France de faire la soupe à la grimace quand il s’agit de considérer les moyens accordés aux institutions psychiatriques. Ici, en Argentine, les hôpitaux dévolus à cette spécialité médicale souffrent de locaux vétustes, de soignants rares, et de patients livrés à eux-mêmes dans la solitude des couloirs. La pénurie de moyens a ceci de bon que l’inclusion, la participation active des patients à la thérapie de leurs semblables et la créativité sont au cœur de la prise en charge. L’exemple de Martín en constitue un emblème. Son piano accompagne les patients et la musique qu’il produit permet la rencontre des malades, ainsi que des personnes valides dans des lieux alternatifs. L’homme moisit depuis des années dans cet hôpital, attend l’autorisation de sortie, termine sa thérapie grâce à la puissance de son art musical.
- Copyright Slingshot Films
Solo est le récit non pas d’une guérison, mais d’un retour à la vie civile, pour un schizophrène assommé par le traitement et son désir de musique. Son seul but est de jouer, saisir toutes les occasions pour donner à entendre ses compositions, partager son langage intérieur sur les touches d’un piano. Il se contente de la maison de ses parents qui a été considérablement abîmée par des squatteurs. Il vit de peu, dans la temporalité si particulière de sa maladie. Après des années d’hospitalisation, il a été oublié des organisateurs de concert, des producteurs et des institutions de musique. La solitude l’accable et le seul moyen d’y faire face est de pratiquer son instrument fétiche. Solo décrit le processus de renaissance après des mois de soins. Martín est suivi par un thérapeute absolument attachant, d’une grande intelligence, qui parvient à restituer un début d’humanité chez son patient. Le réalisateur et producteur Artemio Benki installe sa caméra auprès de son héros, tous les jours, comme une béquille nécessaire à son chemin d’insertion. En quelque sorte, le cinéaste, hélas disparu en 2020, à cinquante-trois ans, met sa propre maladie sur les pas de ce Martín, dont la lucidité sur sa souffrance est magnifique.
- Copyright Slingshot Films
Solo est plus qu’un documentaire. C’est le portrait d’un artiste qui se confond avec celui du réalisateur lui-même. La caméra se juxtapose au destin de cet homme qui peine à retrouver le chemin de la création. On assiste à sa sortie d’hôpital, à ses longues déambulations dans la rue, à sa transformation physique, avec le sentiment que le basculement dans la pathologie et l’autodestruction demeurent toujours une éventualité. Mais la musique gagne, comme finalement le cinéma a toujours fini par gagner dans l’existence d’Artemio Benki. Martín et le réalisateur apparaissent comme deux mêmes corps, deux mêmes destinées, fondues dans le brouhaha et la poussière des rues argentines. Solo constitue le récit d’un compagnonnage entre un cinéaste et un pianiste, éprouvés par les tourments de ce qui l’accable physiquement. Mais parce que Martín est officiellement fou, il ne se pose aucune question. Il ose frapper aux portes, jouer dans les restaurants, se mêler à une bande de gamins sur un terrain de sport, s’imposer dans des festivals de musique, comme s’il y avait une urgence à vivre, indépendamment du mal qui le hante.
- Copyright Slingshot Films
Solo est un film sensible dont on devrait largement s’inspirer dans notre modèle sanitaire et social. La fin très touchante exprime tous les chemins du possible pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Le propos refuse le misérabilisme, la compassion ou l’inquiétude, pour parler de ce que nos sociétés occidentales ignorent, à savoir le droit à la reconnaissance des personnes dites malades psychiatriques.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.