À quand la suite, donc ?
Le 16 août 2019
Une sombre et courte série qui suit trois jeunes dans une des favelas de São Paulo et démarre en beauté… au climax du dernier épisode. À suivre, donc.
- Réalisateur : KondZilla
- Acteurs : Christian Malheiros, Jottapê, Bruna Mascarenhas
- Nationalité : Brésilien
- : Netflix
- Durée : 6 épisodes de 37 à 47 minutes
- VOD : NETFLIX
- Scénariste : Guilherme Quintella
- Genre : Thriller, Chronique sociale
- Date de sortie : 9 août 2019
- Plus d'informations : Sintonia
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Résumé : Dans une favela de São Paulo, trois ados poursuivent leurs rêves tout en préservant une amitié fidèle au cœur d’un univers où s’entremêlent musique, drogue et religion.
Notre avis : Disponible depuis le 9 août, Sintonia, nouvelle série originale Netflix brésilienne, doit certainement faire un carton au pays et dans la ville qui ont vu naître Neymar et donc, question qui se pose au passage : est-ce que le PSG y a participé, puisqu’un personnage porte régulièrement le maillot du club ? Inutile de préciser qu’à la rédaction, cela ne nous empêche pas de dormir.
São Paulo, la plus grande ville d’Amérique latine et cinquième métropole du monde, compte plus de 600 favelas. Si elle semble être une des villes les moins « dangereuses » du Brésil (avec tout de même quatre cents morts au premier semestre 2019), pour ses favelas, la régle est hélas la même qu’à Rio et ailleurs au Brésil, Colombie… : des constructions de bric et de broc insalubres, où s’entassent des dizaines de milliers d’habitants dont la vie s’organise entre petits boulots, vols, drogue et religion. Toute l’économie de ces « cités », mais aussi la sécurité, voire la justice, sont entre les mains des trafiquants de drogue, à tel point que les habitants ont moins peur des dealers que des policiers. Un sentiment qui risque de d’exacerber depuis que Jair Bolsonaro, président du Brésil, a déclaré récemment « que les criminels vont mourir dans la rue comme des cafards », en défendant un projet de loi qui vise à exonérer de poursuites les policiers et citoyens qui tueraient l’auteur présumé d’une infraction.
- Copyright Netflix
Les favelas de São Paulo (et aussi de Rio, ce qui vaut une polémique sur Twitter sur le choix du lieu de la série) sont le berceau d’un important mouvement funk et hip hop, dont le fer de lance est le vidéaste et producteur KondZilla. Avec déjà plus de mille clips au compteur à trente ans, il est propriétaire de la chaîne YouTube Canal KondZilla, suivie par 50 millions d’abonnés, soit la plus grande au Brésil et deuxième chaîne musicale au monde, avec plus de 25 milliards de visionnages à ce jour. Associé avec la société de production Losbragas et Netflix, il vient de créer et coréaliser Sintonia. Autant dire que Netflix, tout du moins sur le papier, ne prenait pas trop de risque, avec en plus au casting deux jeunes stars « locales », MC JottaPê et Christian Malheiros, auxquelles est venue s’ajouter une débutante, quasi inconnue, Bruna Mascarenhas, qui ne devrait pas le rester bien longtemps.
Sintonia (« tune » en anglais, c’est-à-dire « régler la radio »), c’est tout le drame de la jeunesse des favelas qui, pour échapper à la misère, peut soit s’en extirper par n’importe quel moyen, soit devenir petit baron local de la drogue, car hélas il n’y pas d’autre alternative. Ici, trois jeunes. Commençons par Rita, à peine dix-huit ans, orpheline de mère et père aux abonnés absents depuis des lustres. Elle est, par la force des choses, indépendante, a son petit appartement et vit de ventes à la sauvette de produits tombés du camion et d’herbe pour laquelle elle se fournit auprès d’un dealer de Nando. Nando, lui, est déjà marié, papa, et bras droit du « manager » d’une place de deal de la mafia locale dont le boss est en prison. Enfin, Doni qui ne rêve que de rap. Il a sa petite notoriété sur les réseaux sociaux, en postant ses beats sous le nom de MC Doni. En attendant, entre les cours du lycée qu’il sèche pour composer, il donne un coup de main dans la petite épicerie de ses parents. Voilà, Rita, Nando et Doni se connaissent depuis l’enfance, s’entraident et s’entraideront quoi qu’il arrive. Ce postulat, même s’il n’est pas clairement exprimé, transpire dans l’épisode d’ouverture qui pose les briques, ou plutôt de tristes parpaings et bouts de tôles ondulées, d’un drame qui va se tisser progressivement, sur lequel vont se greffer d’autres personnages et intrigues secondaires.
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Et c’est là que se situe la vraie qualité de cette série, en seulement six épisodes : une densité d’écriture qui réussit à développer suffisamment les destins des uns et des autres, tout en livrant un récit pluriel où se mêlent carambouilles du monde du hip hop, flics ripoux, usuriers malsains, trafics organisés par la mafia locale qui se la joue Cosa Nostra, église qui brasse autant de réaux que les dealers, mensonges, trahisons et exécutions. Autrement dit, Sintonia va bien au-delà de la série teenager que laisse supposer sa distribution ou d’un évident a priori de drama sauce telenovela, une spécialité brésilienne.
Au casting, donc, MC JottaPê, dix-neuf and, qui prête son groove à Mc Doni, ex-enfant acteur de séries, aujourd’hui rappeur vedette de l’écurie KondZilla ; Christian Malheiros (Nando), également sous les projecteurs depuis ses neuf ans, et rôle principal dans Sócrates (2018), qui lui vaudra d’être nommé pour le meilleur rôle masculin aux Independent Spirit Awards, aux côtés d’Ethan Hawke ou Joaquin Phoenix ; et enfin Bruna Mascarenhas, en Rita. Tous les trois sont plutôt bons, tout comme les personnages secondaires, tel ce pasteur affairiste et un ou deux mafieux avec des gueules ou défauts de diction pas possibles. La réalisation est sobre, directe (on pense parfois à Gomorra), essentiellement en plans serrés ou moyens, pour coller au plus près des destins et tourments des uns et des autres. Seules des vues aériennes, filmées au drone, de cette favela accrochée aux collines de São Paulo et quelques scènes de concerts de Mc Doni ou extraits de clips, à l’esthétique plus léchée, nous font prendre « l’air » des rues de la ville et les escaliers tordus d’où résonne son argot, manifestement trop présent dans les dialogues, et qui alimente les discussions sur les réseaux sociaux…
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En fait, la frustration arrive au dernier épisode, une frustration curieusement à fois réjouissante et déprimante. Nos trois personnages ont progressé, à leur façon, sur des voies pas vraiment évidentes à prévoir au début, et le final en climax, via sa réalisation en montage parallèle, montre que les destins de nos jeunes sont en train de basculer. Mais sur quelles pentes ? Sintonia commence tout simplement, puisque c’était le point de départ : échapper de cette favela ou y faire son trou. Au risque que la « fraternité » entre Rita, Nando et Doni y laisse des plumes ? Si la suite – on ne doute pas une seconde qu’elle soit dans les tuyaux – est dans le sillage de ces six premiers épisodes, plus que simple mise en bouche, alors, comme on dit, Netflix n’est peut-être pas à l’abri d’un succès, et tient probablement un filon qui pourrait rayonner bien au-delà de l’Amérique du Sud. Affaire à suivre !
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