L’amour, plus fort que tout
Le 23 janvier 2019
Barry Jenkins capte, avec grâce, une magnifique histoire d’amour érigée en rempart contre l’injustice et la haine.
- Réalisateur : Barry Jenkins
- Acteurs : Diego Luna, Emily Rios, Regina King, Dave Franco, Ed Skrein, Finn Wittrock, Teyonah Parris, Pedro Pascal, Michael Beach, Brian Tyree Henry, Stephan James, Kiki Layne, Colman Domingo
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 1h59min
- Date télé : 25 août 2024 22:20
- Chaîne : TCM Cinéma
- Titre original : If Beale Street Could Talk
- Date de sortie : 30 janvier 2019
- Festival : Festival de Toronto 2018
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Résumé : Harlem, dans les années 1970. Tish et Fonny s’aiment depuis toujours et envisagent de se marier. Alors qu’ils s’apprêtent à avoir un enfant, le jeune homme, victime d’une erreur judiciaire, est arrêté et incarcéré. Avec l’aide de sa famille, Tish s’engage dans un combat acharné pour prouver l’innocence de Fonny et le faire libérer…
Critique : La réputation obtenue Barry Jenkins en éblouissant le monde entier avec Moonlight (qui, des propres mots de l’intéressé, a « davantage plu en Europe qu’aux États-Unis ») ne suffisait pas : le réalisateur voulait viser plus haut. C’est en tout cas ce que laisse présager le carton d’ouverture qui, à travers une citation de James Baldwin, semble vouloir imposer le cinéaste comme le nouvel héraut cinématographique de la communauté afro-américaine. L’ambition est donc élevée : partager le trône de Ryan Coogler.
Pourtant, dès les premières scènes, qui captent aussitôt la quintessence du charme sensuel de son couple d’acteurs, Kiki Layne et Stephan James, magnifiés par de splendides jeux de lumière, la somptuosité et l’universalité de cette histoire d’amour dépassent toute question de communautarisme. Même s’il n’est pas forcément aisé de se reconnaître dans des personnages aussi beaux, l’ardeur de leur passion en arriverait presque, du moins dans un premier temps, à faire passer pour anecdotique l’erreur judiciaire qui envoie le personnage masculin principal (Fonny) faire un tour par la case prison.
- Copyright Tatum Mangus / Mars films
Au cours de la première demi-heure, la véritable tragédie vient en fait du désamour que ce personnage subit de la part de sa puritaine de mère. Étrangement – et c’est certainement là la principale faille de cette adaptation du roman éponyme–, cet aspect du drame ne sera, par la suite, plus que vaguement évoqué. Dès lors que les raisons de l’incarcération, et surtout que le risque de lourde peine, sont explicitement installés par la narration à la première personne, le ton subit une rupture brutale. Le bonheur affectif, omniprésent dans la première partie, se retrouve brusquement remplacé par un sentiment plus âpre : la peur de perdre l’être aimé, qui est l’autre facette de l’amour, et s’immisce douloureusement, notamment chez Tish, le personnage féminin. Dans cette situation de drame, en plus de ne rien perdre de leur grâce, les deux amants gagnent en alchimie, plus bouleversante encore que lorsque celle-ci se limitait au béguin que jalousait le public.
Derrière cette histoire d’amour, ce que Barry Jenkins parvient à mettre intelligemment en place est évidemment une dénonciation acerbe de l’injustice dont les Afro-Américains souffrent quotidiennement aux USA. Par le prisme de l’amour, c’est toute une ségrégation judiciaire qui va mettre à mal la passion, sans pour autant parvenir à la briser.
- Copyright Tatum Mangus / Mars films
Que Fonny se retrouve accusé d’un viol, sans que le film n’ait besoin de donner la preuve de son innocence, fait de lui un parfait martyr de l’ostracisation du peuple noir. Qu’il soit charpentier ne fait d’ailleurs que rendre plus criarde la figure christique qu’il représente. La conversation qu’il a, avant d’aller en prison, avec l’un de ses amis, qui lui-même vient d’en sortir, et au cours de laquelle cette situation est distinctement énoncée, devient, grâce à l’appui d’une mise en scène habile, la séquence la plus bouleversante du film.
- Copyright Tatum Mangus / Mars films
Dans sa grande majorité, la narration reste du point de vue de Tish, qui en assure la voix off. C’est d’ailleurs pourquoi l’innocence de son petit-ami apparaît comme avérée. La rayonnante Tish ne se transforme pas pour autant en héroïne combative, comme le voudrait le schéma dramaturgique habituel ; les graves tumultes que traverse son couple vont néanmoins lui faire perdre l’ingénuité qui la caractérise.
Ici, c’est la famille de la jeune femme, ainsi que leur avocat, qui donnent de leur personne pour innocenter Fonny. Les quelques scènes qui leur sont consacrées vont même jusqu’à temporairement transformer le film en thriller juridique. De la même façon, l’unique passage centré sur les pères des deux amoureux –qui inclut un surprenant split screen– semble rappeler que le recours à une activité illégale est une fatalité pour une minorité violemment ostracisée. Et pourtant, la narration allant inéluctablement se concentrer sur Tish, aucune de ces pistes scénaristiques prometteuses ne s’octroie un véritable aboutissement.
Face au fléau de la discrimination et du racisme ordinaire qui détruit des existences, il ne semble donc y avoir que l’amour qui puisse dépasser l’inhumanité inhérente à la haine. Que les autres alternatives ne méritent pas d’être racontées est toutefois discutable. C’était déjà, dans Moonlight, le cas, avec le regard que Barry Jenkins portait sur l’homophobie au sein de la communauté noire. Même si ce message est porteur d’espoir et propice à des images poignantes (les castings charismatiques et les chefs opérateurs talentueux contribuent largement aux réussites des deux métrages), espérons néanmoins que Jenkins choisira une approche quelque peu différente pour son prochain film qui devrait traiter de l’esclavage.
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