Le 12 décembre 2023
Dans un magnifique et étourdissant plan séquence, Ady Walter raconte les dernières vingt-quatre heures d’un village juif aux portes de la Pologne à travers les yeux d’un jeune cinéaste revenu chercher sa promise. Si l’effet visuel est stupéfiant, l’écriture du récit s’étire en longueur et finit par perdre le spectateur.
- Réalisateur : Ady Walter
- Acteurs : Saul Rubinek, Moshe Lobel, Antoine Millet
- Genre : Drame, Historique, Noir et blanc, Drame historique
- Nationalité : Français, Ukrainien
- Distributeur : Urban Distribution
- Durée : 1h54mn
- Date de sortie : 13 décembre 2023
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Eté 1941, veille de l’invasion de l’Ukraine soviétique par les nazis. Dans un shtetl un jeune homme revenu de la ville attise les querelles entre laïcs et religieux et remet en question un mariage prévu quelques jours plus tard. Ce seront les dernières 24 heures d’un village avant sa destruction lors de l’opération Barbarossa.
Critique : Quand Ady Walter termine son film en Ukraine, les Russes envahissaient la frontière, entraînant la barbarie qui semble aujourd’hui interminable. Le danger ici ne vient pas a priori des Soviétiques qui endoctrinent les consciences avec leurs récits staliniens, mais des Allemands qui s’apprêtent à envahir l’empire communiste. SHTTL est l’histoire d’un retour des ravages de la guerre d’un jeune homme dont le regard s’est enrichi du désir de cinéma, donc d’émancipation de tout ce qui a formaté sa pensée quand il était enfant, à commencer l’éducation religieuse. Il est encore amoureux mais la séparation a mis sa dulcinée dans les bras d’un autre que lui, fils du rabbin et promis au même destin, dont le mariage est prévu dans les jours à venir. Mendele est un homme changé. Il a appris à faire la part des choses sur la religion, la politique, et aspire à la liberté de conscience. Sa longue déambulation à travers le village devient alors une opportunité à semer sur le chemin des aphorismes philosophiques, des pensées libertaires, auprès de ses compatriotes, tiraillés entre le religion juive et le soviétisme.
- Copyright Urban Distribution
La caméra suit d’un bout à l’autre de ces presque deux heures la marche du jeune soldat à travers son village. Il erre d’une maison à l’autre, d’un regroupement à l’autre, d’un proche à l’autre, quand il n’est pas précipité dans un morceau de son passé. À ce moment, la couleur survient, tranchant avec le noir et blanc resplendissant qui traverse tout le film. SHTTL est un film virtuose, réalisé d’un seul souffle, dans un plan séquence où les dialogues se succèdent les uns après les autres, autour de la figure de ce jeune sergent. Il faut saluer la performance du comédien, qui brave avec brio l’épreuve de la caméra serpentant les espaces animés du village. La théâtralité est assumée, mettant les acteurs dans la posture d’une scène vivante où ils doivent, dans un seul mouvement, affronter le regard des spectateurs sans qu’à aucun moment leur langue ne flanche et la mise en scène ne s’effiloche. Ainsi, plus qu’un film, SHTTL est au service de la performance des acteurs et de la mise en scène. Tout est chronométré, précis, permettant à ce récit filmé en un unique trait de trouver sa cohérence.
- Copyright Urban Distribution
Le réalisateur connaît bien les questions liées au judaïsme. Il brandit ce récit courageux qui résonne douloureusement avec l’actualité du moment, qu’ils s’agisse de l’agression russe sur le sol ukrainien ou de la tragédie palestinienne et israélienne. Les habitants de ce village juif qui a perdu son "e" sont écartelés entre l’affiliation à leur religion de naissance, et le désir pour certains de s’en émanciper au moins politiquement. Les interprétations des textes sacrés résonnent parfois comme des cris de guerre, mettant les habitants dans des tensions à la limite de l’explosion. C’est hélas la barbarie nazie qui va se charger d’arbitrer ces conflits religieux ou idéologiques, au lieu de trouver sur la place du village un espace possible de compromis et de discussion. Mendele revient au village de son enfance pour parvenir à s’en extraire profondément, peut-être d’ailleurs avec la femme qu’il aime. Ainsi, SHTTL raconte avec une immense virtuosité le choix impossible que nombre de personnes doivent entreprendre dans leur existence, quand il s’agit de se construire un avenir sur des racines vécues comme rétrogrades ou réactionnaires. Si la qualité de la mise en scène, l’audace du plan séquence sont impressionnants, on regrettera un parti pris trop bavard et spécialisé, risquant de laisser sur le chemin quelques spectateurs dépourvus en connaissances judaïques.
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.