Le 19 février 2025
Cruel et sans filtre, ce tableau sur une sororité toxique n’épargne pas son spectateur. Une œuvre résolument perturbante qui emprunte savamment les voix du thriller, du drame et du fantastique.


- Réalisateur : Ariane Labed
- Acteurs : Mia Tharia, Rakhee Thakrar, Niamh Moriarty, Pascale Kann
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Britannique, Irlandais, Allemand
- Distributeur : New Story
- Durée : 1h40mn
- Titre original : September Says
- Date de sortie : 19 février 2025
- Festival : Festival de Cannes 2024

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Résumé : July fait face à la cruauté du lycée grâce à la protection de sa sœur aînée September. Sheela, leur mère, s’inquiète lorsque September est renvoyée et July en profite pour affirmer son indépendance. Après un événement mystérieux, elles se réfugient dans une maison de campagne, mais tout a changé…
Critique : Il y a la grande sœur, September, apparemment protectrice de sa cadette, July, qui subit les moqueries de ses camarades d’école. Elles semblent deux jumelles, issues d’un même corps difforme, habitées par une étrangeté chronique qui pourrait les confondre à la schizophrénie ou un handicap comportemental puissant. Les troubles sont tels qu’elles se font exclure des écoles les unes après les autres. Rien n’est facile : tomber amoureuses, appeler leur mère autrement que par le prénom, se faire des amis, et échapper au regard jugeant des autres qui les appréhendent comme deux folles, sorties de nulle part. Même la mère est étrange. Elle photographie ses filles dans des postures moins inventives que suspectes, et promène un visage hanté par un traumatisme ancien dont elle ne parvient pas à parler.
September & July est résolument un film sur l’étrangeté. Bizarrement, le récit est assez pesant pendant plus d’une heure et demi et se révèle quelques heures après la projection comme un petit joyau d’écriture et de mise en scène. La réalisatrice, qui est d’abord actrice, manie la mise en scène avec un vrai sens du mystère et de l’ignominie, n’hésitant pas à semer le dégoût et le trouble chez son spectateur. Car la relation entre ces sœurs est présentée de façon frontale comme toxique. Derrière la protection, l’aînée en réalité instrumentalise sa cadette à ses propres fins de jouissance jusqu’à faire craindre le pire pour cette dernière quant à son intégrité physique et psychologique. Le visage démoniaque de September s’accroît au fur et à mesure de ce récit qui fait froid dans le dos.
- © Sackville Film and Television Productions Limited - MFP GmbH - CryBaby Limited - British Broadcasting Corporation- ZDF Arte 2024
Le spectateur ressort transi de cette histoire de famille où le macabre prend le pas sur la douceur d’un tableau familial. Même les paysages marins se pétrifient dans une ambiance glaciale où la perversité des liens entre les protagonistes prend toute la place. Car la drôle de famille décide de s’exiler dans une jolie maison côtière, non tant pour prendre des vacances, que fuir le climat d’asphyxie qui règne au collège. Il ne faut surtout pas s’attendre à de jolies promenades le long de la mer, un lâcher-prise des deux gamines, mais la continuation de cet état morose et violent qui structure leurs relations.
September & July de la comédienne franco-grecque Ariane Labed est inspiré du roman de Daisy Johnson, Sœurs. Voilà une première œuvre maîtrisée, même si curieusement, par certains aspects, la pesanteur du récit interrompt l’attention du spectateur. On reste à la fin du film avec des énigmes à résoudre que chacun est libre de décoder. Le scénario s’écarte du drame psychologique pour prendre les voix du fantastique ou du thriller, complexifiant infiniment la fiction tout en donnant les clés de compréhension du nœud familial.