Le 23 janvier 2020
Engagé pour la préservation de la biodiversité, le réalisateur Richard Ladkani enquête sur la lutte pour la préservation du marsouin du Pacifique, espèce endémique du golfe de Californie, dont la disparition est liée à un vaste réseau criminel.
- Réalisateur : Richard Ladkani
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Autrichien
- Distributeur : National Geographic
- Durée : 1h46min
- Date de sortie : 24 novembre 2019
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Résumé : Dans l’un des lieux les plus somptueux de la planète, une mission de sauvetage hors du commun tente de freiner une catastrophe imminente. Dans le golfe de Californie, le braconnage menace le vaquita, plus petit marsouin commun du monde en voie d’extinction. Afin de le sauver et de traduire les coupables de ce désastre en justice, une équipe d’éminents scientifiques, de défenseurs de l’environnement, de journalistes d’investigation et d’agents de la marine mexicaine sont prêts à risquer leur vie. Ils devront pour cela affronter les dangereux cartels mexicains ainsi que les trafiquants chinois dont les méthodes de braconnage dévastatrices mettent en péril la vie marine de la région.
Notre avis : La mer de Cortez, dans le golfe de Californie, abrite une biodiversité remarquable. Celle-ci est malheureusement mise à mal, notamment par des activités de pêche illégale utilisant des filets maillants, véritables catastrophes écologiques, qui capturent un grand nombre d’espèces. Parmi elles, un mammifère emblématique et endémique de ce lieu : le marsouin du Pacifique, ou vaquita, qui a presque disparu. Il s’agit de « prises accidentelles » des braconniers, qui font le commerce d’un immense poisson : le totoaba. En médecine traditionnelle chinoise, on prête à sa vessie natatoire de nombreuses vertus. Tenue d’une main de fer par les cartels, toute une économie secrète s’est développée autour du totoaba. Sea of shadows met en lumière l’étendue du désastre, nous emmenant à la rencontre de ceux qui se mobilisent contre ce trafic, mais aussi de leurs opposants. Dans cette lutte, nous retrouvons l’ONG Sea Shepherd, le journaliste d’investigation Carlos Loret de Mola, Andréa Crosta, directeur exécutif de la Earth League International (ELI), ainsi que l’équipe de scientifiques réunie par Cynthia Smith, vétérinaire et directrice du programme Vaquita CPR, pour la préservation du marsouin du Pacifique. À travers son enquête, le réalisateur Richard Ladkani met en lumière l’aspect social complexe de la lutte écologique et les limites de l’intervention humaine sur la préservation de la biodiversité, nous amenant à questionner notre propre rapport à l’environnement.
L’écologie, une lutte sociale
Pénalisés par les décisions gouvernementales en faveur de la protection des vaquitas, les pêcheurs locaux, dont les méthodes sont également mises en cause dans la disparition de l’espèce, manifestent. Leur slogan « les gens meurent de faim, mais sauvons les marsouins » rappelle le célèbre « la fin du mois avant la fin du monde » des Gilets jaunes. La non réglementation de l’exploitation du territoire marin et l’effondrement de sa biodiversité aboutiraient pourtant, à terme, à priver les petits pêcheurs locaux de toute possibilité d’exercer leur activité actuelle. Outre-Atlantique aussi, la dimension sociale de l’écologie est mise de côté par la pression financière du quotidien, qui pousse les plus démunis à jouer le jeu du capitalisme, en adhérant inconsciemment au système contre lequel ils pensent se défendre. Les braconniers eux-mêmes sont prisonniers de cette économie parallèle, qui peut leur coûter la vie, ce qui est le cas de JP, braconnier interviewé dans le documentaire, assassiné le 18 août 2018, pour ne pas avoir pu rembourser sa dette envers le cartel du totoaba. Du côté des pêcheurs légaux, quelques-uns, conscients de l’étendue du problème et de ses répercussions, travaillent pour le gouvernement, reconvertis en surveillants qui remontent les filets illégaux. Ils passent pour des traîtres. La marginalisation des écologistes semble universelle.
« Une espèce animale va disparaître sous nos yeux, uniquement pour des questions d’argent. Voilà le sort de notre planète. » Andréa Crosta, directeur exécutif de la Earth League International
Les limites de l’intervention humaine
Également soutenus par le gouvernement mexicain, les bénévoles de l’ONG Sea Shepherd œuvrent sur le terrain depuis 2015. Retirant, eux aussi, les filets illégaux, ils sauvent des milliers d’animaux et dissuadent les braconniers en filmant leurs actions et en prévenant les autorités, surveillant la zone jour et nuit. Un travail de longue haleine, mené avec passion, aux répercussions concrètes et porteuses d’espoir. Les chiffres donnés dans le documentaire précisent que plus de 800 filets ont été retirés. L’ONG dénombre sur son site internet 3069 animaux sauvés, dont une baleine à bosse, 88 totoabas, une tortue luth du Pacifique et 21 requins. Des vidéos de ces campagnes, appelées opérations « Milagro », sont visibles sur la toile. Le journaliste Hugo Clément a également suivi les activistes dans Sur le front, diffusé sur France 2 en novembre dernier. La lutte pour la préservation des vaquitas dépasse largement les zones de résonances habituelles des médias mexicains.
L’important taux de corruption au sein des représentants de l’autorité constitue cependant un frein de taille au respect des lois en vigueur et à la poursuite des braconniers. Face à ce constat alarmant, l’équipe du programme Vaquita CPR a tenté, elle aussi, de préserver l’espèce. L’échec de son intervention constitue la séquence la plus tragique du documentaire. L’idée semblait simple : récupérer des vaquitas pour les mettre en sécurité dans un bassin, puis dans un sanctuaire, dans le but de les libérer un jour, quand ils seront à nouveau en sécurité dans leur milieu naturel. Après les émouvantes images de libération d’animaux marins survivants des filets maillants par les Sea Shepherd, Richard Ladkani présente la capture par l’équipe de scientifique d’une femelle vaquita en pleine santé, placée dans un bassin en haute mer. Après quelques heures de captivité, vivante encore, elle a cessé de respirer. Malgré sa libération quasi immédiate puis les efforts de la vétérinaire pour la réanimer, elle ne survivra pas, probablement victime d’une crise de panique ou de désespoir. Un échec lourd de conséquences, si l’on considère le peu de vaquitas subsistantes (les estimations varient d’une à trois dizaines d’individus). Cet épisode souligne l’aspect problématique et potentiellement dévastateur de la captivité comme « moyen de préservation » d’une espèce. Les exemples qui en dénoncent les effets pervers sont légion : ours polaires étouffant sous la canicule à Marineland, décès des trente requins marteaux captifs à l’aquarium de Boulogne-sur-Mer, cétacés dopés aux antidépresseurs, mort prématurée des rhinocéros du zoo de Pont-Scorff…
La vaquita, emblème de l’effondrement de la biodiversité
Sea of shadows est plus qu’un reportage sur une lutte écologique parmi d’autres. Malgré les mobilisations et la volonté du gouvernement mexicain, le cas des vaquitas s’érige en emblème du processus d’effondrement de la biodiversité. Course à la cupidité, corruption, exploitation sans limite d’un écosystème fragilisé, impératifs financiers des précaires, illusion de la toute puissance de la science… S’il ne reste plus que quelques vaquitas dans la mer de Cortez, gardons à l’esprit que leur situation n’a pas toujours été si critique.
Une espèce n’est pas en voie de disparition du jour au lendemain. Elle le devient à cause de nos actes. Elle le devient car nous fermons les yeux.
La France tient d’ailleurs un rôle notable dans l’hécatombe des mammifères marins. En 2019, 11 300 dauphins ont été tués par les engins de pêche, dans le golfe de Gascogne. Un funeste record. La cause de ce grand nombre de décès est la (sur)pêche non sélective mise en place pour répondre à la demande des consommateurs de poissons. Ici aussi, les Sea Shepherd se mobilisent, documentant les prises de dauphins et menant des actions de sensibilisation. Il n’est pas trop tard pour agir et changer nos habitudes. À chaque instant, où que nous soyons, nous votons pour ou contre la préservation de la biodiversité. Les luttes écologiques ne sont pas réservées à l’exotisme et au lointain.
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